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de distinguer un modéré d’un radical, ou d’un socialiste, c’est que, pour le premier, l’impôt doit être réel et non pas personnel, proportionnel et non pas progressif. Ce ne sont pas là des entraves au progrès, mais des garanties qu’il ne s’égarera pas dans des chimères dangereuses. Au surplus, les modérés, — et ils l’ont montré pendant tout le cours de cette législature, — ne reculent devant aucune des lois qui ont pour objet de développer les institutions de prévoyance et de mutualité, aussi bien que de prémunir l’ouvrier contre les conséquences des accidens auxquels il est exposé dans son travail. Ils ne s’inspirent pas du principe socialiste qui fait de l’État la providence universelle et le dispensateur d’une manne administrative, naturellement considérée comme inépuisable ; mais ils admettent fort bien que l’État, sans se substituer à l’initiative individuelle, l’aide à se produire, l’encourage et la soutienne. Tout, ici, est question de mesure. Toutes les dispositions que la Chambre a prises dans cet ordre d’idées ne sont pas également exemptes d’objections : le temps seul et l’expérience diront ce qu’il faut finalement en penser.

Mais, quelle que soit l’utilité des réformes, elles ne sont pas le but et la fin de la politique. Elles ne sont qu’un moyen pour faire mieux. Avant d’en accomplir de nouvelles, il faut mettre à profit celles qui sont déjà faites, et se bien servir de l’instrument qu’on se propose de perfectionner. Les modérés sont au gouvernement depuis deux années ; ils se sont appliqués à bien administrer et à bien gouverner, ce qui, on en conviendra, est quelque chose. Le ministère de M. Méline a fait de la conciliation et de l’apaisement entre les partis qui, hier encore, étaient les uns contre les autres à l’état d’hostilité violente. C’est la partie de son œuvre dont il a le droit d’être le plus fier, et c’est celle aussi que les radicaux lui reprochent avec le plus d’amertume. On comprendrait, sans être forcé de les approuver, ces reproches des radicaux, si le gouvernement avait été obligé de faire des concessions à la droite ; mais il n’en a fait aucune. Un député du Nord, M. Dron, a essayé de suppléer contre lui à la qualité des griefs par leur quantité, et on a cru, en l’écoutant, assister au roman chez la portière. La Chambre n’a pas tardé à manifester son ennui. L’interpellation de M. Dron n’a eu d’autre résultat que de permettre aux divers partis de dessiner dès maintenant leur prochaine attitude électorale. C’est à ce propos que M. Bourgeois a découvert trois lois intangibles au lieu de deux ; mais cela seul était nouveau dans le programme radical ; tout le reste en était connu d’avance.

Le langage de la droite a été plus intéressant. Il faut reconnaître que