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catholique par ces dons gratuits et révocables. Ainsi renaît l’ancienne contradiction : l’Etat reconnaît que sa prospérité a besoin de l’Eglise, mais au moment où il veut sincèrement s’appuyer sur la religion, il persévère dans la conduite qui a affaibli les énergies religieuses.


II

Dans ce retour du passé, il y avait cependant une nouveauté, et qui était une contradiction de plus. Le gouvernement qui reprenait avec l’Eglise ses traditions de pouvoir paternel et absolu était devenu un régime représentatif et parlementaire. Les Bourbons, qui jugeaient leur droit supérieur à la volonté nationale, avaient octroyé à cette volonté les moyens de retentir, de lutter et de vaincre. Par suite, l’Eglise eut, pour la première fois depuis des siècles, le choix des conduites. Devait-elle mettre sa confiance dans les sentimens chrétiens du monarque et accepter le mélange de faveurs et de servitudes qui était la forme historique des rapports entre elle et la maison de Bourbon ? Devait-elle résister aux entreprises tentées sur son autonomie par le régime gallican, et, au lieu de privilèges, vouloir des droits ?

À ce moment, pour détourner des vieux écueils l’Eglise et lui montrer le large, se présentèrent des pilotes : ils s’appelaient de Maistre et Lamennais. Certains que pour les sociétés le péril n’est pas la puissance de la foi, mais sa faiblesse, ils constataient le déclin de l’influence religieuse comme la grande évidence et le grand mal des temps nouveaux. L’Eglise, autrefois inspiratrice de la vie publique et de la vie privée, avait-elle de cet empire gardé rien qui fût intact ? Ses fidèles mêmes ne lui disputaient-il s’pas une autorité sans cesse amoindrie sur leurs pensées et sur leurs actes ? Le catholicisme ne dépensait-il pas toute sa force à perpétuer les croyances et les vertus d’une élite dans une société de plus en plus étrangère à ces croyances et à ces vertus ?

Les causes de cette déchéance et les moyens de restituer au catholicisme sa royauté morale d’autrefois apparaissaient dans un seul regard à leurs yeux faits pour contempler les siècles. L’Eglise avait été conquérante et féconde quand elle formait, de tous les peuples chrétiens, une société religieusement soumise à un seul chef. Le prodige d’une force si étendue et si concentrée imposait aux puissances humaines ; c’eût été pour elles une