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les desservait auprès de l’opinion et, malheur suprême, finirait par les rendre suspects à la royauté. Le 3 avril 1826, seize évêques de cour remettent à Charles X une déclaration. Sans souscrire ni même citer celle de 1682, ils déplorent que « les maximes reçues dans l’Eglise de France soient dénoncées comme un attentat contre la divine constitution de l’Eglise catholique », désavouent « ces censures sans mission et sans autorité », et réprouvent « la témérité avec laquelle on cherche à faire revivre une opinion née autrefois de l’anarchie et de la confusion où se trouvait l’Europe et tombée dans un oubli presque universel, opinion qui rendrait les souverains dépendans de la puissance spirituelle, même dans l’ordre politique ». Le gouvernement fait annoncer que tous les autres évêques adhèrent. Charles X ne pouvait se montrer moins gallican que l’épiscopat : Lamennais fut poursuivi, reconnu, par les juges, coupable d’attaques à la déclaration de 1682, et condamné pour offenses à la religion de l’Etat[1], en vertu de cette loi de 1819 que les magistrats avaient refusé d’appliquer au Constitutionnel et au Courrier français.

Les trente francs d’amende qui expièrent le délit n’auraient pas été un prix trop cher de la paix. Le monarque et l’épiscopat la crurent faite. Après leurs gages de gallicanisme, sûreté n’était-elle pas donnée contre le principal grief ? Et dès lors le grief accessoire, contre les jésuites, ne perdait-il pas son importance ? Evêque et ministre, Mgr Frayssinous mit sa double autorité à détruire la légende répandue sur eux. Défiant les démentis, il affirme, le 27 mai 1826, à la Chambre que la Congrégation n’est nulle part et à aucun degré un pouvoir politique, ni occulte, que les jésuites ne dirigent rien en France, sinon sept petits séminaires. Sa parole précipite la guerre qu’il croyait finir. L’opposition, se gardant de fournir les preuves qu’il demande, triomphe de celle qu’il donne. Il a avoué la présence des jésuites. L’opposition n’a entendu que cela, en prend acte, s’en indigne et en triomphe. La presse va répétant avec le Journal des Débats : « Le nom sinistre des jésuites est dans toutes les bouches, et parcourt la France entière sur l’aile de la terreur qu’il inspire. » Et le ridicule de la disproportion entre cette emphase et le péril échappe en effet à beaucoup. Peu importent le nombre des jésuites et leurs occupations : la

  1. Jugement du Tribunal correctionnel de Paris, 26 avril 1826.