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L’ARMÉE COLONIALE

Certaines questions semblent condamnées à revenir indéfiniment en discussion sans jamais recevoir une solution. Celle de l’armée coloniale est du nombre. Durant ces vingt dernières années, à la suite de chacune des aventures d’outre-mer dans lesquelles, de gré ou de force, la France s’est trouvée engagée, et au cours desquelles on avait eu à regretter de ne pas posséder une armée spéciale, organisée en vue de ce genre de guerre, le gouvernement n’a pas manqué, quelque peu tardivement, de déposer un projet de loi instituant une armée coloniale. Si l’on joint aux projets ministériels les propositions de loi sur le même sujet présentées par des membres du Parlement, on arrive à un total réellement formidable. Ce dénombrement rétrospectif serait sans intérêt. Au reste, tous ces projets eurent un sort commun : aucun n’a abouti. Les uns restèrent enfouis dans les cartons de la commission militaire de la Chambre, oubliés des ministres leurs auteurs, qui, d’ailleurs, avaient inévitablement, quelques mois après leur dépôt, transmis leur portefeuille à d’autres. Un seul eut les honneurs de la discussion et arriva jusqu’au Sénat ; il n’en revint pas. La question reste donc à peu près entière aujourd’hui.

Nous disons : à peu près. Car si l’on ne pouvait s’entendre touchant la meilleure solution à adopter, il est un point sur lequel tout le monde se trouvait d’accord : la nécessité de soustraire les jeunes gens du contingent à l’obligation d’aller servir dans nos possessions d’outre-mer. Et en effet, s’il est naturel d’imposer à tous les citoyens valides l’obligation de défendre le territoire national en cas de guerre, il peut sembler excessif de contraindre