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compatriotes et quelques Haoussas ou Soudanais dont il peut à peine se faire comprendre. Et cependant cette vie sévère a des charmes étranges, une sorte de grandeur captivante. A la pensée, bien faite pour inspirer un légitime orgueil, que l’on fait respecter le drapeau de la France sur ce territoire lointain qui lui appartient, se joint cette autre pensée réconfortante qu’on est quelqu’un, autre chose qu’un de ces innombrables rouages militaires faits pour recevoir et transmettre des ordres. On connaît l’ivresse du commandement indépendant, le sentiment troublant de la responsabilité. Et si un officier ainsi livré à lui-même vient à faiblir, à douter de sa valeur, pour se ressaisir il n’a qu’à regarder les soldats improvisés qui l’entourent ; et sur leurs faces noires il lira la confiance aveugle dans le chef qui pense pour eux, qui les conduit, les fait vivre et, au besoin, est en droit d’exiger d’eux leur vie qu’ils lui donneront sans hésiter.

Quelque autonome que doive être l’armée coloniale, il serait excessif d’interdire aux officiers, dont la santé n’a pu s’accommoder des climats débilitans de nos possessions équatoriales, de passer dans l’armée métropolitaine, de même qu’il serait fâcheux de fermer d’une manière absolue l’armée coloniale aux officiers de l’armée que tente la vie d’aventures. Mais au système des permutations actuellement en vigueur il nous semble préférable de substituer le suivant : ces passages d’une armée dans l’autre ne seraient permis qu’aux officiers inscrits sur le tableau d’avancement. Ils seraient prononcés simultanément, pour un égal nombre d’officiers de part et d’autre, en même temps que leur promotion au grade supérieur. Il ne serait ainsi porté atteinte aux droits de personne et les officiers changeant d’arme ne seraient pas, par suite de l’obligation qui leur est imposée de prendre l’ancienneté de leur permutant, exposés à perdre le bénéfice de l’avancement acquis antérieurement.


III

Le haut commandement et le recrutement de l’armée coloniale en hommes de troupes et en officiers étant ainsi réglés, comment sera-t-elle composée ? Elle devra pouvoir satisfaire à la double obligation : d’une part, de garder nos colonies, d’assurer leur tranquillité intérieure, de les protéger contre le brigandage qui existe dans certaines d’entre elles à l’état permanent ou contre