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même de dédoubler les détachemens des troupes métropolitaines qui tiennent garnison dans les colonies. Mais une année de service suffirait pour instruire ces contingens. On ne s’explique pas que les habitans de la Martinique aient trois années de service à faire, alors qu’une seule est imposée aux colons de l’Algérie. On s’explique encore moins que ces jeunes soldats soient appelés à accomplir en France ces trois années, occasionnant ainsi des frais de transport considérables. Combien de ces jeunes gens, après avoir goûté aux plaisirs et aux distractions de la métropole, regagneraient leur lieu d’origine ? On verrait les rues de nos grandes villes encombrées d’hommes de couleur en quête d’une position sociale. Ce serait de la colonisation à rebours.


IV

Il nous reste à envisager un des côtés de la question, et non le moins important, le côté financier. Les dépenses militaires relatives aux colonies se décomposent ainsi qu’il suit : d’une part, les sommes inscrites au Ministère des Colonies, spéciales à l’entretien des troupes qui occupent nos possessions d’outre-mer. Elles figurent au budget de l’exercice 1897 pour la somme de 58 480 000 francs ; d’autre part, les sommes spéciales à l’entretien des troupes de la Marine à l’intérieur et qui sont inscrites au budget du Ministère de la Marine. Elles montent à 12 842 000 francs. Ce qui donne pour la totalité des dépenses afférentes à l’armée coloniale 71322 000 francs. Dans les dépenses militaires des colonies, l’Annam et le Tonkin figurent pour 25 millions, le Soudan pour 7, Madagascar pour près de 10. Ce sont de très gros chiffres.

Un jour viendra où les sacrifices que la métropole s’impose pour ses colonies diminueront notablement, celles-ci devant arriver progressivement à couvrir leurs dépenses. La Cochinchine est déjà en bonne voie ; ses dépenses militaires montent à 5 200 000 francs environ et son contingent annuel à 4 800 000 francs. L’écart n’est pas grand. Le Tonkin et Madagascar tiendront à honneur de suivre cet exemple ; les autres feront de même. Mais nous n’en sommes pas encore là. Il faut en user avec les colonies comme avec les enfans. On leur fait crédit pour l’avenir et on subvient à leurs besoins jusqu’à ce qu’ils soient en âge de se suffire à eux-mêmes. Il en est même parfois qui rendent à leurs