toucher l’Angleterre, et, par Ostende, gagnèrent l’Allemagne ; vers le 20 mai, ils arrivaient aux bords du Rhin.
A son entrée dans ce provisoire domaine de l’insouciante émigration, le marquis de la Rouerie s’attendait à jouer, dès l’abord, un rôle en vue : il apportait une idée. Mais ce n’était point chose rare à Coblentz depuis que s’y groupaient les émigrés ; les faiseurs de projets y foisonnaient et chacun avait un plan. D’ailleurs la confiance était grande et on se lamentait seulement de la trop grande facilité qu’on aurait à vaincre la Révolution ; on eût souhaité plus de résistance. Comme il était pourtant de bonne politique de ne décourager personne, la Rouerie fut bien accueilli. Il y avait là cent soixante gentilshommes bretons qui l’acclamèrent. Mais le Comte d’Artois n’était pas à Coblentz et le marquis dut l’aller chercher jusqu’à Ulm, où il parvint dans les premiers jours de juin. Le prince connaissait quelque peu l’ancien officier aux Gardes et s’était montré jadis plein d’indulgence pour les désordres de sa conduite ; il le reçut, écouta son projet, l’approuva fort et conclut par ces mots qui terminaient tous ses entretiens :
— « Voyez Calonne. »
La Rouerie espérait plus : il fit valoir que, abandonné à lui-même dans les régions de l’Ouest, complètement isolé de l’armée des émigrés et sans moyens rapides de communiquer avec elle, il ne pouvait avoir d’action sur les royalistes de sa province que s’il était investi d’une autorité indiscutable, ou, tout au moins, pourvu de l’autorisation d’agir au mieux des circonstances. Le Comte d’Artois consentait à déléguer tous les pouvoirs qu’on lui demandait, à condition que la chose ne coûterait rien : il était sans argent et ne pouvait seconder pécuniairement l’insurrection bretonne. La Rouerie trouva un moyen terme et obtint une cédule conçue en termes assez vagues : le prince promettait, au nom du roi, son frère, des récompenses à tous ceux qui se montreraient zélés pour la bonne cause, tout en manifestant l’espoir qu’ils trouveraient eux-mêmes les fonds nécessaires à l’entreprise ; il voulait bien s’engager avec eux pour tous les emprunts nécessaires ; mais sous réserve que les fonds recueillis seraient confiés à un trésorier comptable. Le Comte d’Artois ne connaissait la Rouerie que par ses dissipations, et il jugeait sagement en lui préférant un caissier moins prodigue.
Muni de ce pouvoir, le marquis revint à Coblentz et conféra