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avec les millions qu’il n’avait jamais eus, réédita la scène de don Juan recevant M. Dimanche. Ah ! que de belles phrases entendit Tuffin ! Tout d’abord on lui ménagea l’agréable surprise d’un billet autographe de M. le Comte de Provence, qui, depuis peu, était venu rejoindre son frère à Coblenlz. Quand on songe avec quelle folle abnégation la Rouerie et ses Bretons se préparaient à donner leur vie pour la cause royale, la froideur et la banalité de cette lettre semblent, par contraste, presque révoltantes :


Vous pouvez, monsieur, assurer de ma part M. le marquis de la Rouerie qu’instruit par le comte d’Artois du plan d’association qu’il m’a proposé pour le bien de la province de Bretagne, je n’hésite pas à joindre mon approbation à celle de mon frère et que sachant pareillement combien les sentimens, les principes et la sage conduite de M. de la Rouerie méritent de confiance, je partage celle que mon frère lui a donnée ; je l’exhorte à continuer de s’occuper de cet objet qui aura certainement notre appui.

Vous connaissez bien, Monsieur, tous mes sentimens pour vous.

LOUIS-STANISLAS-XAVIER.


Le mandataire de la conjuration fut gratifié d’une autre approbation, celle des gentilshommes de Bretagne qui, émigrés dès les premiers troubles, attendaient pacifiquement, sur le Rhin, une rentrée triomphale et prochaine : ils voulurent bien reconnaître que ceux des leurs restés en France ne dérogeaient pas en combattant pour le salut de la monarchie. Enfin, suprême faveur, Tuffin reçut de Calonne lui-même, en réponse aux supplications de la Rouerie réclamant des secours et des armes, une lettre à l’adresse du marquis, où le vide des instructions était si bien « assaisonné en louanges », qu’il eût été impertinent de ne point s’en déclarer satisfait.


Vous avez pris, monsieur, un très bon parti en m’envoyant M… car il est bien difficile de tout confier à la poste dans des circonstances aussi critiques, et j’ai été charmé de pouvoir m’expliquer avec une personne aussi sûre, aussi intelligente et aussi bien intentionnée. J’ai lu aux Princes, frères du roi, la lettre du 14 septembre qu’il m’a apportée de votre part : ils l’ont trouvée parfaitement judicieuse, et je vais, d’après leurs ordres, satisfaire à tout son contenu.


Suivait le rappel de la confiance des Princes dans « l’énergie et la sagesse » du marquis de la Rouerie. Et Calonne ajoutait : il y a 3 000 fusils à Ostende qui vous sont destinés depuis longtemps… mais il est difficile de fixer une époque certaine pour le grand concours. Nous avons éprouvé que les paroles les plus positives ne