répond avec défi et rappelle 1812. Les relations diplomatiques sont aussitôt rompues (7 février) ; un ultimatum envoyé par les deux alliés réclame l’évacuation des Principautés avant le 20 avril ; Nicolas répond en publiant la guerre.
Notre peuple applaudit à cette guerre par haine du Cosaque, le sentiment national de ce temps[1] ; nos diplomates par fétichisme de l’équilibre européen et de l’intégrité de l’Empire ottoman. Mais savez-vous qui eut le cynisme de l’anathématiser comme un crime ? Celui qui avait invectivé comme une lâcheté la lenteur à s’y décider : « Les veuves pleurent, les mères se tordent les bras, parce qu’il a pris fantaisie à M. Bonaparte, l’assassin de Paris, de se faire bénir et sacrer par M. Mastaï, l’étouffeur de Rome. Otez l’intrigue dite des Lieux Saints, ôtez la clef, ôtez l’envie du sacre, ôtez le cadeau à faire au Pape, ôtez le 2 décembre, ôtez M. Bonaparte, vous n’avez pas la guerre d’Orient[2]. »
L’anathème n’est pas mieux justifié que les approbations. L’Empereur n’éprouvait aucune haine contre les Cosaques, et il ne gardait pas même rancune à leur Tsar de ses impertinences. Il ne professait pas le fétichisme de l’équilibre qu’il allait travailler à détruire et les Turcs ne l’intéressaient pas plus que l’intégrité de leur empire. Dans la guerre il cherchait le prestige rendu à nos armes, là même où en 1840 nous avions subi une dure humiliation, la dissolution de la Sainte Alliance du Nord, une rupture entre la Russie et l’Autriche qui frayerait Ta voie à la politique des nationalités, à l’affranchissement de l’Italie et peut-être de la Pologne.
La première partie de son dessein est accomplie. Il l’a poursuivie avec une possession tranquille de soi-même, une justesse et une rapidité de coup d’œil, une flexibilité à s’adapter à l’imprévu et à en profiter, une sagacité à discerner le moment décisif, une audace prudente que ni Cavour ni Bismarck n’ont surpassée dans leurs plus mémorables campagnes.
EMILE OLLIVIER.