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pas sans grâce, et que les productions du même genre offrent rarement à un égal degré. La pièce date un peu déjà, par la confiance qu’elle exprime naïvement dans les résultats de la fête du premier Mai. Elle reflète en effet l’enthousiasme qu’éveilla cette manifestation internationale, lors de sa création. Un curieux et savant arbre généalogique du Socialisme, publié à Stuttgart, va jusqu’à présenter le premier Mai comme le résultat et la fleur d’une végétation séculaire de pensées émancipatrices. Ce chêne puissant, qui a pour racines la philosophie platonicienne et le communisme chrétien de la primitive Eglise, se fortifie des hérésies du moyen âge, du grand effort de la Réforme, des tendances les plus avancées de la Révolution française, pour s’épanouir enfin, après l’afflux de sève apporté par l’œuvre de Marx et d’Engels, au nom glorieux de Lassalle, dont la manifestation du premier Mai vient, tout en haut du tronc séculaire, couronner l’activité féconde. — Il semble pourtant que cette fête du travail, source de tant d’espoirs exaltés, demeure languissante, et n’ait pas réalisé les progrès décisifs dans la propagande socialiste que ses créateurs espéraient de son succès[1]. En Allemagne, toutefois, grâce à la discipline du parti démocratique, elle a conservé une puissance d’attraction plus grande et un nombre de fidèles plus considérable que partout ailleurs. C’est pourquoi le drame des « Messagers du printemps », malgré sa teinte britannique, y rencontra la sympathie des lecteurs ouvriers.


ERNEST SEILLIERE.

  1. Au Congrès de Hambourg, en 1897, les compagnons de cette ville ont même fait preuve d’un grand découragement. Ils ont demandé, sans succès, il est vrai, que les instructions pour la célébration du 1er mai fussent modifiées. Les argumens présentés furent précisément ceux qu’avait réfutés Scheu. On proposait de ne pas chômer, et d’appliquer le gain de cette journée aux nécessités du parti. Il faut ajouter que cette motion souleva de vives protestations, qui démontrèrent que les compagnons de Hambourg étaient loin d’exprimer le sentiment avoué de la majorité.