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obscurantur. En pleines ténèbres, il a eu une illumination de génie ; il n’a pas trouvé sans doute la formule définitive et en quelque sorte lapidaire qui convenait à sa pensée. Ce n’est pas une raison pour lui susciter des querelles de grammairien.

Si dans le cas de fonctionnement vital il y a destruction incontestable des matières de réserve, qu’advient-il de la matière réellement active et vivante ? Suit-elle le même sort ? Se comporte-t-elle différemment ? Nous n’en savons rien. M. Le Dantec affirme qu’elle s’accroît alors au lieu de se détruire ; il donne à cette assertion le nom de Loi de l’Assimilation fonctionnelle, et il en tire des conséquences importantes. Mais en réalité, il n’y a pas un seul des argumens dont il l’étaye qui ait une vertu démonstrative. Les objections ne sont pas plus décisives. C’est une hypothèse qu’il est également vain, dans l’état actuel de la science, de prétendre établir ou renverser par le raisonnement ou l’expérience. La raison en est dans le grand nombre d’indéterminées que comporte le problème à résoudre. Il suffit de les énumérer : les deux matières qui existent dans l’élément anatomique, auxquelles on confère des rôles contraires ; les deux conditions qu’on leur attribue, d’activité manifestée ou latente ; la faculté pour l’une et l’autre de celles-ci de se prolonger pendant une durée indéterminée, et d’empiéter sur son protagoniste, alors que l’on s’est mis dans le cas où elle devrait cesser d’exister. Voilà plus d’élémens qu’il n’en faut pour expliquer les résultats positifs ou négatifs de toutes les épreuves du monde. On ne peut donc démontrer cette hypothèse ; mais on peut sans doute l’accepter sans y regarder de trop près, comme ces pilules, dont parlait Hobbes, qu’il faut avaler sans les mâcher.

L’énergétique laisse la question indécise, sans doute, mais elle incline pourtant en sa faveur. L’assimilation fonctionnelle du protoplasma n’est pas, comme l’organisation des réserves, un phénomène presque indifférent à la balance de l’énergie. Il s’agit ici de constituer une substance, le protoplasma actif, qui atteint au plus haut degré de la complication, et dont par conséquent la formation aux dépens des matériaux alimentaires plus simples exige une quantité appréciable d’énergie. L’assimilation, pour se réaliser, a donc besoin d’absorber de l’énergie : or, à ce moment même la destruction ou simplification chimique de la substance de réserve, conséquence forcée du fonctionnement, en libère précisément de quoi couvrir ce besoin. Si