maximum d’analyse morale que supporte le théâtre, je l’ignore et je m’en remets à quelques-uns, — pas à tous, oh ! non, — du soin d’en décider.
Un éminent critique romantique, — qui semble avoir pris pour critérium de la valeur des pièces la somme de vigueur génésique dépensée par les personnages, — souhaitait tour à tour, en rendant compte de l’Aînée, que Lia s’abandonnât totalement aux bras de l’officier bleu, et qu’elle se noyât dans le lac. Je n’ai rien à répondre, sinon que je n’y ai pas songé et que, ayant voulu très expressément montrer une fille chaste et croyante, il m’était vraiment bien difficile d’accueillir l’idée soit de cette chute, soit de ce suicide.
L’histoire de Lia est, comme j’ai dit, toute la pièce. Mais à cette histoire j’ai cherché un « milieu » qui lui fût approprié. Il m’a paru qu’une âme comme celle de Lia, sérieuse et de forte vie intérieure, devait plus vraisemblablement se rencontrer dans le monde protestant. Et c’est de quoi les protestans devraient me remercier. Mon dessein exigeait, en outre, que Lia eût derrière elle toute une bande de petites sœurs : et c’est dans un foyer évangélique qu’elles pouvaient le plus vraisemblablement pulluler. — Mais, d’autre part, l’histoire morale de Lia, telle que j’en avais conçu le développement, impliquait un peu d’égoïsme et d’innocent pharisaïsme chez ses bons parens et, aussi, l’infortune conjugale de son beau-frère le pasteur. Et c’est de quoi j’ai pris mon parti, et de quoi se sont émues certaines personnes « de la religion ».
Plusieurs m’ont envoyé des lettres d’injures. ’Cela me met à l’aise pour leur dire :
Ma comédie, je le répète, n’est point une comédie de mœurs et est encore moins une pièce à thèse. Ma peinture ou, plus exactement, mon croquis de mœurs protestantes et pastorales est tout accessoire, assez superficiel, et fantaisiste à demi. Donc, en disant que j’ai voulu jeter le ridicule sur les ménages de pasteurs et écrire un plaidoyer en faveur du célibat des prêtres, vous me faites un procès de tendances. Mais, puisque vous y tenez, « allons-y » !
Quand j’aurais fait tout ce que vous dites, en quoi aurais-je excédé mon droit et manqué aux convenances littéraires ! Ces conséquences du mariage de vos ministres, ce contraste entre la mission sacrée de M. Pétermann et ses préoccupations de père de famille, les ai-je donc inventés ? Ne sautent-ils pas aux yeux ? A moins de supposer que les pasteurs sont réellement de bois, comme ils paraissent quelquefois, ne sont-ils pas sujets à aimer leurs femmes de la façon dont Mikils aime la sienne ? et cette façon-là n’a-t-elle pas un je ne sais quoi qui