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parler ni des épîtres de saint Paul, ni même de l’évangile de saint Jean. Jésus ne paraît être, pour lui comme pour le philosophe Zythophanès, que la dernière incarnation d’Éros. C’est vague ; et c’est commode : mais, ici, c’est peut-être insuffisant. Rien n’égale l’imprécision circonspecte de Johannès annonçant la foi à Flamméola. Sa prédication se réduit presque à une métaphore développée :

Le lys consolateur que mon Sauveur t’apporte,
Moi, c’est plus doucement, c’est tendrement, ma sœur,
Avec des mains de frère aux gestes de douceur,
Que je veux te l’offrir si ton deuil le réclame,
Pour te le faire éclore au plus secret de l’âme.

Et encore :

A tous les indigens Christ a promis sa trêve.
D’autres manquent de pain. Ceux-ci manquent de rêve.

Et de nouveau :

Oui, je le vois déjà te poindre au fond de l’âme,
Le lys consolateur que ton espoir réclame.

Et derechef :

Là, tu boiras le vin de ton rêve


« Rêve » et « lys », c’est à peu près tout le christianisme pour Johannès Richepin. Et voilà Flamméola bien renseignée.

Dans cette pénurie pompeuse, que reste-t-il donc de la pièce elle-même, où l’on puisse s’attacher ? Ce qu’il peut y avoir d’intérêt dans un mélodrame un peu vulgaire, et qui ne serait ni très compliqué ni très bien agencé. — Un « drame en vers », ce n’est plus aujourd’hui, sauf de rares exceptions (la Fille de Roland en est une, et la Reine Juana, malgré ses défauts, en est peut-être une autre), qu’un mélodrame médiocre qui se rachète par le lyrisme et par l’amusement de la « couleur locale », — c’est-à-dire tout l’opposé de l’ancienne tragédie. Le « drame en vers » n’a rien gardé de ce qui fit le prix et la beauté de la tragédie classique. Ce n’est pas en lui que s’est réfugiée la psychologie des grandes passions : c’est (quelquefois) dans la comédie.

Mais, je le répète, les épisodes pittoresques de la Martyre sont des morceaux d’un très savant et robuste ouvrier. Et, sans doute, lorsque, au quatrième acte, Zythophanès et Flamméola entreprennent de troubler Johannès par un petit exposé de mythologie panthéistique, ils semblent un peu naïfs de croire que les « seins nus » et « le ventre » d’Aphrodite, bons pour émouvoir l’homme, ne révolteront pas le croyant, à qui doit être familier l’argument chrétien tiré de