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Le général de Castellane raffermit la discipline. Puis il profita de ses pouvoirs extraordinaires pour faire mettre à la retraite plusieurs de nos camarades tout à fait impotens. Car il aimait les jeunes ; il avait horreur des vieux cadres ; et il ne tint pas à lui que les « rentrans à la bouillotte » ne fussent immédiatement renvoyés dans leurs foyers.

Malgré la révolution, Louis-Philippe ne se sentait pas très assuré sur son trône : adroit et éclairé, il chercha dès le premier jour à cajoler les classes moyennes qui l’avaient appelé au pouvoir et à calmer les classes populaires déjà alléchées par le succès de la révolution de Juillet et fort désireuses de la pousser plus loin.

Il décida donc d’envoyer son fils aîné, le Duc d’Orléans, en province, pour distribuer des drapeaux tricolores à la garde nationale, lui parler et la gagner au nouveau gouvernement.

Le Duc d’Orléans était bien jeune encore ; mais grâce à ses qualités séductrices bien connues, il réussit fort bien dans sa mission.

Loin de voyager en prince, il refusa les escortes : au lieu de descendre dans les préfectures ou les palais, il logea dans les hôtelleries des villes où il séjournait.

La veille ou l’avant-veille de son arrivée à Lyon, le prince s’était arrêté à Clermont-Ferrand. Le général Petit, celui « des adieux de Fontainebleau », y commandait. Il présenta lui-même au Duc d’Orléans les députations de la garde nationale. Par une rencontre singulière, l’officier qui reçut des mains du prince le nouveau drapeau était le lieutenant Forty, l’ancien porte-drapeau des grenadiers de la vieille garde, celui même qui tenait l’aigle que Napoléon embrassa dans la cour du Cheval-Blanc de Fontainebleau en quittant sa garde. Horace Vernet l’a représenté abaissant le drapeau devant l’Empereur d’une main tandis que de l’autre il essuie ses larmes.

Le lendemain le Duc d’Orléans arrivait à Lyon, accompagné de Marcel lin de Marbot, nommé depuis peu général.

Il descendit à l’hôtel de l’Europe, quai de la Saône, d’où l’on jouit mieux que partout ailleurs du merveilleux panorama de Four vi ères.

Mon régiment venait de quitter la ville pour aller tenir garnison dans le nord ; moi, je devais séjourner plusieurs jours encore à Lyon, afin de remettre au régiment qui nous remplaçait les