La révolution et l’état d’esprit qui régnaient avaient tellement fait perdre la notion des convenances et de la discipline qu’il ne se trouva personne, ni un général, ni une sentinelle, pour empêcher ce personnage de se transformer de sa propre autorité en orateur officiel.
Ce voltigeur n’était autre que le professeur de gymnastique que j’avais vu quelques jours auparavant escalader la statue de Louis XIV pour y accrocher un drapeau tricolore : il s’appelait Couturier.
Après avoir rappelé cet exploit, il par la du drapeau tricolore et termina par ces mots : « Si l’ennemi vient nous attaquer, prince, soyez notre Léonidas ; ces nouveaux étendards seront nos Thermopyles ! »
Le Duc d’Orléans le remercia aimablement et répondit non sans esprit : « Soyons les soldats de Léonidas et des Thermopyles ; seulement….. revenons vainqueurs ! »
Le lendemain, le prince partit pour Grenoble. La prolongation de mon séjour à Lyon m’avait aussi fourni l’occasion de voir pour la première fois un chef militaire avec lequel j’ai eu depuis de nombreuses et bonnes relations. C’était le futur maréchal Magnan, alors colonel du 49e de ligne ; il rentrait d’Afrique, précédant son régiment, et montrait à nos yeux étonnés des armes turques et des queues de pachas qu’il rapportait de notre nouvelle conquête. La superbe attitude, la haute taille et la parole énergique du colonel Magnan, encore jeune, impressionnaient au plus haut degré les personnes qui l’écoutaient.
Je rejoignis mon régiment alors en route pour Thionville. Dans cette région le général Roguet, l’ancien colonel commandant les grenadiers à pied de la vieille garde, avait été, comme Castellane, commissaire inspecteur, et il était resté légendaire, parmi les troupes de l’Est, à cause de ses manières plutôt originales.
La première fois qu’il se présenta aux troupes de Metz, il leur adressa en toulousain le discours suivant : « Le peuple, il vient de remporter une victoire contre la royauté ; désormais plus de passe-droits, plus de faveurs, plus de titres. C’est moi, le comte Roguet, qui vous l’annonce. »
Puis, appelant séance tenante un colonel, il lui demande si le jeune Un tel n’est pas dans son régiment.
— Oui, mon général.