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navale latente, la faculté de créer, ou tout au moins de développer rapidement l’organisme militaire maritime :

La richesse, d’abord, la richesse absolue, dans sa manifestation la plus précieuse, le crédit ;

L’activité industrielle, résultant à la fois de la richesse minière du sol, des méthodes d’exploitation des mines, du développement des industries métallurgiques, de l’esprit d’initiative, de progrès, d’invention ;

L’activité commerciale maritime, qui découle des mêmes propriétés, des mêmes facultés, mais dont il faut noter une manifestation particulièrement intéressante ici, la création des chantiers de construction navale ;

Enfin la vigueur de l’esprit public, vigueur faite de courage moral, de persévérance, de confiance en soi, peut-être même d’orgueil, car l’orgueil est une grande force, tant qu’il n’aveugle pas…

Eh bien ! ce dernier facteur mis à part — Américains et Espagnols se valent, certes, en force morale, et qui sait si l’énergie castillane n’est pas d’une trempe plus unie, plus sûre, par conséquent ?… — on ne peut guère douter que les États-Unis, avec leurs énormes capitaux, la production intensive de leur immense territoire, la richesse de leurs mines des Alleghanys et des Montagnes Rocheuses, le nombre de leurs navires marchands, la valeur de leurs chantiers, ne l’emportent de beaucoup par la puissance maritime latente sur l’Espagne appauvrie, affaiblie, et jusqu’ici peu soucieuse, malheureusement, de tirer le plus utile parti de ses incontestables ressources naturelles.

C’est donc l’avenir plus que le présent, ce sont les dernières phases d’une lutte que l’Europe n’eût jamais dû laisser s’engager et qui durera toujours trop longtemps, que nous envisageons avec une appréhension douloureuse pour les Espagnols.


II. — MARINE ESPAGNOLE

Voyons cependant le présent, tel qu’il est, pour la marine espagnole, flotte, personnel, bases d’opérations, facultés générales.

C’est à l’incident des Carolines qu’on peut faire remonter la renaissance d’une marine tombée au dernier degré d’abandon à la suite de la révolution de 1868.