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ART ET MÉTIER

II.[1]
L’ARCHITECTURE


I

L’architecture est à la base et au sommet de toute civilisation. C’est le premier des arts, dans tous les sens : priorité de date et primauté d’importance. C’est l’art contenant, où vivent et se développent tous les autres, contenus dans sa masse, et issus de ses transformations. Il exprimera donc en hauteur de pierres toutes les tentatives et tous les besoins des hommes, c’est-à-dire toute leur histoire, comme le livre l’exprimera en profondeurs d’idées, comme la musique un jour peut-être en supérieures sensibilités. Car il est possible que tout se succède ainsi — ou se remplace — et selon le mot fameux : « Ceci tuera cela. » La trop grande intellectualité du monde vieillissant tuera la primitive naïveté nécessaire aux arts simples ; la force expansive, toujours plus tendue, de l’Idée, brisera le moule des vieux arts plastiques.

L’architecture aura été très longtemps le plus beau livre des hommes ; et c’est encore aux flancs des successives constructions qu’il faut apprendre à lire l’histoire vraie de tous les peuples, sous le symbole des pierres, plus sincères que les hommes. De l’antiquité fabuleuse et de l’Orient mystérieux arrive jusqu’à nous la grande leçon des arts ; toute grâce est venue des chemins du soleil. L’architecture est née le jour où l’homme, levant la

  1. Voir la Revue du 15 août 1896.