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révolution. Elle savait bien qu’elle conserverait par-là en Europe un certain nombre de sympathies qui lui seraient utiles le jour du règlement final.

Et elle ne s’est pas trompée. La situation de l’Espagne, quoique différente à beaucoup d’égards de celle de la Grèce, présente pourtant avec elle et pourrait présenter encore plus, par la suite, certaines analogies. Les orateurs de l’opposition ont reproché au ministère libéral de n’avoir pas su contracter d’alliance avec telle ou telle puissance, et M. Silvela lui-même, dans un langage un peu sibyllin, a déclaré qu’il faudrait, pour atteindre ce but, se résigner à quelques sacrifices. Nous ne pensons pas qu’il y ait en Europe un gouvernement qui voulût dépouiller l’Espagne pour la secourir ensuite. Aucun non plus, quelle que soit la tournure ultérieure des événemens, ne contractera d’alliance avec elle. Il faut dissiper ces chimères. L’Espagne ne peut rencontrer que des sympathies, et elle en a déjà rencontré beaucoup ; mais ces sympathies seront d’autant plus vives que son attitude, restera jusqu’au bout exempte de critiques, et digne de cette estime que les nations ne se refusent pas les unes aux autres dans les épreuves difficiles, noblement acceptées et traversées avec sang-froid. Que l’Espagne soit en république ou en monarchie, cela évidemment n’importe à personne ; mais il y a partout, aussi bien dans les pays républicains que dans les autres, une considération mêlée de respect pour la reine Marie-Christine, et le jour où la Régente disparaîtrait, sans doute pour faire place à l’anarchie, ces sentimens ne sauraient vraiment plus à qui s’adresser. L’Espagne perdrait aussitôt une partie de la force morale dont elle a un besoin d’autant plus grand que sa force matérielle est plus amoindrie. C’est ce qu’elle ne doit pas oublier. Le premier des républicains d’Espagne, le seul peut-être, M. Castelar, vient de faire sa rentrée aux Cortès après une longue absence. On peut être sûr qu’il y apporte d’autres vues et d’autres sentimens que M. Salmeron et que, s’il prend de nouveau la parole, le républicain, quelque convaincu qu’il soit, fera place chez lui au grand patriote et à l’Espagnol.


FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-gérant, F. BRUNETIERE.