Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 147.djvu/530

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Gazette de Madrid du 24 avril 1898 n’a suscité, de la part des cabinets, aucune objection.

Pendant la guerre de Sécession, J. Davis, président des États du Sud révoltés, avait invité, par sa proclamation du 17 avril 1861, les particuliers qui voudraient armer en course à demander des lettres de marque, et le Congrès des séparatistes avait promis tout d’abord aux équipages des corsaires pour chaque prisonnier une prime de 125 francs, pour chaque navire appartenant aux fédéraux qui serait détruit dans un combat naval, autant de fois 100 francs qu’il aurait d’hommes à bord. Les « Sudistes » allaient lancer de nouveaux bâtimens corsaires, plus légers et non moins redoutables que les vaisseaux de guerre, qui devaient prendre ou détruire en peu de temps le cinquantième de la grande flotte marchande des États-Unis. Le président Lincoln aperçut le péril et cessa de partager les scrupules de M. Buchanan : il offrit d’adhérer à la déclaration de Paris, mais pourvu que la nouvelle déclaration fût obligatoire pour le Sud comme pour le Nord (dépêche du 20 août 1861). Les corsaires du Sud eussent été par-là même assimilables à des pirates et les vaisseaux de toutes les puissances maritimes auraient pu leur courir sus. Lord Russell comprit sans peine la portée de cette proposition complexe et répondit, le 28 août : « L’Angleterre, ayant déjà reconnu aux confédérés du Sud le caractère de belligérans, leur a implicitement reconnu le droit d’armer en course. » Les négociations furent donc rompues.

Si la guerre hispano-américaine se prolonge, les États-Unis se repentiront peut-être d’avoir avisé les cabinets qu’ils ne se proposaient pas d’autoriser les arméniens en course. Pourront-ils se rétracter ? Je le crois. Sir Travers Twiss, un des premiers jurisconsultes de l’Angleterre, avait bien proposé à l’Institut de droit international, dans sa session de Turin (1882), d’astreindre, même dans un cas pareil, les puissances adhérentes ou signataires à la rigoureuse observation du principe adopté par le Congrès de Paris. Mais la docte assemblée décida que l’armement en course devait être permis à titre de rétorsion contre les belligérans qui armeraient eux-mêmes en course. Peu importe que ces derniers n’aient pas souscrit à la déclaration de Paris ou l’enfreignent après y avoir adhéré. Aucune puissance ne peut être en effet tenue de supporter les entreprises des corsaires sans répondre à ce moyen d’attaque par un semblable moyen de défense. On ne saurait