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Grande-Bretagne ou les États-Unis n’auraient pas pu classer plus tard parmi les articles de contrebande les objets appropriés à des usages pacifiques comme à des usages militaires, par exemple l’eau-de-vie, le beurre, le fromage, les bois de charpente, le matériel de construction des chemins de fer, le matériel télégraphique ou même, comme dans l’affaire du Bermuda, un matériel d’imprimerie ; la Chine n’aurait peut-être pas non plus, en 1894, transformé le chlorate de potasse en contrebande de guerre sous prétexte qu’il peut servir à fabriquer des allumettes.

Chacun des États belligérans ou neutres peut donc encore dresser, en ne consultant que son propre intérêt, sa liste particulière d’articles de contrebande. Cette diversité de vues et de règlemens offre les inconvéniens les plus graves. D’abord, comme on ne sait jamais à quoi s’en tenir, elle paralyse beaucoup d’opérations inoffensives et porte la plus grave atteinte au commerce du monde entier. Ensuite, comme la validité des prises est jugée non par des commissions mixtes, mais par des tribunaux nationaux, chaque belligérant capteur statue dans sa propre cause et généralement d’après son propre droit. Ces tribunaux, obligés d’opter entre la coutume internationale et les ordonnances rendues par l’Etat dont ils relèvent, ne pourront pas toujours se dispenser d’appliquer le règlement local et, quand ils le pourront, ne s’en soucieront pas. Des neutres seront donc condamnés après s’être conformés strictement, dans leurs opérations commerciales, non seulement à la loi de leur pays, mais à la loi des nations. Le décret espagnol du 24 avril 1898 énumère aussi les articles de contrebande : « Sont compris, dit-il, sous la dénomination de contrebande de guerre : les canons, les mitrailleuses, obus, fusils de toutes sortes, armes blanches et à feu, balles, bombes, grenades fulminantes, capsules, mèches, poudres, soufre, dynamite, les explosifs de toute espèce, ainsi que les uniformes, courroies, bâts, équipemens d’artillerie et de cavalerie, machines pour naviguer et en général tous objets servant à la guerre. » On a remarqué que le soufre était porté sur cette liste et que le charbon n’y figurait pas.

La première remarque a été faite par les Italiens. L’Esercito du 26 avril signala le préjudice que le gouvernement espagnol allait porter au commerce de la Sicile en classant le soufre parmi les articles de contrebande : le ministre de la guerre, ajoutait cette feuille, devait soumettre la question au conseil des ministres