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prisonnier en Belgique et mourut fusillé à Nieuport. Edouard survécut à la révolution et épousa plus tard Mlle Victoire de Bertho. Deux autres fils, on se le rappelle, Amaury et Casimir, étaient demeurés chez leur père et avaient assisté à la mort du marquis de la Boueric. Amenés à Paris et traduits devant le tribunal, ils avaient été acquittés ; mais, le jour même où le verdict était rendu, le Comité de sûreté générale, se substituant à la justice, ordonnait que tous les accusés absous seraient immédiatement transférés à la prison de Sainte-Pélagie et maintenus en état d’arrestation. Amaury y passa peu de temps : il obtint sa liberté sous condition d’être incorporé dans le 15e régiment de chasseurs à cheval qui guerroyait contre les Vendéens ; Casimir vint l’y rejoindre le 23 décembre 1793 ; tous deux convinrent de s’échapper ; un jour qu’ils menaient leurs chevaux baigner dans la Loire, Amaury de la Guyomarais parvint à mettre le sien à la nage, traversa le fleuve et courut s’engager dans l’armée de Charette, où il fut tué. Son frère, après avoir servi deux ans dans les troupes républicaines, réussit à déserter avec sept chasseurs, le 28 janvier 1795, et reçut, de Boishardy, le commandement d’une bande de Chouans qui opérait dans les environs de Lamballe. Il tint campagne jusqu’à la pacification : le roi Louis XVIII le nomma, en 1816, chevalier de la Légion d’honneur. Les deux filles de M. de la Guyomarais, laissées seules au château après l’arrestation de leurs parens, ne tardèrent pas à être emprisonnées à leur tour comme suspectes. L’aînée, Hyacinthe, était aimante et douce ; la plus jeune, Agathe-Julie, d’une taille élevée, très blonde, d’une grande distinction, passait pour avoir hérité de l’énergie de sa mère. Sur le certificat de civisme qu’on lui délivra lorsqu’elle sortit de prison après le 9 thermidor, on lisait :

« Son caractère est celui d’une jeune personne qui ne peut désirer que la vengeance de la mort de ses parens. »

Hyacinthe et Agathe étaient alors sans aucune ressource : tous leurs frères étaient morts ou émigrés ; la Guyomarais, ainsi que les terres qui en dépendaient, avait été séquestrée et en partie vendue : le château était occupé par le citoyen Padel, de Lamballe, qui l’avait transformé en entrepôt de sel : la contrée était journellement le théâtre de combats entre les bleus et les partis de Chouans auxquels la forêt de la Hunaudaye servait de retraite. Les demoiselles de la Guyomarais furent recueillies par leur oncle, Micaut de Mainville, celui-là même qui avait comparu devant le