génie romain l’attirait par son bon sens pratique et ses qualités organisatrices. Il étudia dix ans le colosse tombé, ne s’en fiant qu’à lui-même du soin de découvrir les causes de sa grandeur et de sa chute : c’est là qu’il apprit ce que c’est qu’un empire.
A Cambridge, il moissonna tous les honneurs universitaires auxquels peut prétendre un étudiant « classique » et il fut élu fellow de deux collèges. On n’a pas écrit sur la porte de Cambridge : « Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre ! » Mais on pourrait y graver cette variante : « Nul ne sortira d’ici sans être géomètre. » Seeley en fit l’expérience. Il étudia les humanités dans la ville des mathématiques et s’imprégna, pour jamais, de l’esprit scientifique.
C’est le moment de remarquer que les doctrines contenues dans The Descent of Man et The Origin of Species faisaient alors leur chemin dans les esprits de la jeunesse. Il fallait opter entre Carlyle et Darwin, entre le « culte des héros » et le culte de la loi. L’hésitation ne pouvait être longue chez un homme qui allait être, toute sa vie, un briseur d’images, un démolisseur de statues, un ennemi froidement acharné de ces « quelques-uns » pour lesquels et par lesquels, suivant le mot de Lucain, le genre humain existe et travaille. Seeley allait courir toute l’histoire afin d’y montrer l’effort collectif et fatal au lieu de l’effort individuel et libre. Je n’ai lu nulle part ce qu’il pensait de Carlyle, mais j’imagine qu’il considérait le « Sage » de Chelsea comme une espèce de fou, et le « Voyant » comme un aveugle.
Le premier livre qu’il imprima fut, en 1859, un recueil de poèmes bibliques qui ne sont guère qu’une lourde paraphrase des psaumes. Évidemment, il n’était pas né poète. Son évolution religieuse continua pendant les années qui suivirent. Il avait plus de trente ans lorsqu’il donna au public un volume hardi et curieux : Ecce Homo. C’était une tentative pour séculariser la biographie du Christ et pour la traiter par la méthode historique. Le livre différait en mille manières de celui de Renan comme de celui de Strauss. Pas de paysages idylliques, de délicate psychologie, de tendre et mélancolique persiflage, de stylo enjôleur et caressant. Aucun appareil scientifique : l’auteur laissait dans l’ombre le travail critique préparatoire auquel il avait dû se livrer. Ce travail, avait consisté surtout à rechercher sur quels points les évangélistes s’accordent et doivent être crus.
Les croyans et les incroyans se rencontrent, qu’ils le veuillent ou non, sur un point ; c’est qu’il y eut dans le Christ un