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pour rien, pour le plaisir, et d’élever d’autres palais, pour rien, pour le changement ; lorsque, comme le dit Ruskin en la Lampe de Mémoire, « les hommes bâtissent avec l’espoir de quitter la maison qu’ils ont construite et vivent dans l’espoir d’oublier les années qu’ils ont vécues ; lorsque le but de chacun est d’atteindre une sphère plus élevée que sa sphère naturelle, et que la vie de chacun de ses devanciers est un objet de mépris journalier ; lorsque le confort, la paix et la religion du foyer ont cessé d’être, et lorsque les masures d’une population toujours en lutte, toujours agitée, diffèrent seulement des tentes des Arabes ou des bohémiens en ce qu’elles sont moins sainement ouvertes à l’air du ciel et que leur coin de terre est moins heureusement choisi, en ce qu’elles sacrifient la liberté sans le profit du repos, et la stabilité sans le plaisir du voyage, alors les racines de la grandeur nationale sont profondément attaquées… » Au moins pouvons-nous dire que celles de la grandeur artistique sont perdues. Quand on voit, de loin, ce monstrueux Palais des Machines gonflant sa nef de verre, seul debout parmi les décombres du Champ-de-Mars, on peut croire que cette arche de Noé contient les élémens d’un monde nouveau. Il n’en est rien. Dehors, des ruines. Dedans, des ébauches. Voilà ce que nous faisons du passé. Et voici ce que nous tenons en réserve pour l’avenir.


ROBERT DE LA SIZERANNE.