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Ces dosages donnent déjà quelques renseignemens précieux. Si on trouve, ce qui arrive fréquemment, qu’une terre ne renferme que de minimes proportions d’acide phosphorique, si l’analyse en décèle moins d’un millième, l’acquisition et l’épandage des engrais phosphatés sont indiqués ; si on reconnaît que la potasse fait défaut, ce qui est infiniment plus rare, ou introduira du sulfate ou du chlorure de potassium.

Il faut bien reconnaître cependant que ces dosages laissent parfois le cultivateur indécis sur la résolution qu’il doit prendre. En effet, nous avons habituellement recours, pour exécuter nos analyses, à des réactifs énergiques, nous les portons à des températures élevées et si ces méthodes sont excellentes pour déterminer avec exactitude les proportions d’azote, d’acide phosphorique, ou de potasse contenues dans un kilogramme de la terre analysée, les nombres trouvés indiquent seulement que tel ou tel aliment végétal est rare ou abondant. S’il est rare, son addition s’impose ; s’il est abondant, toutes les incertitudes reparaissent.

On se rappelle, en effet, quelle erreur a commise Liebig quand, frappé des quantités considérables d’azote combiné que renferment les terres arables, il a voulu proscrire les engrais azotés. J’en ai trouvé un exemple frappant dans la Limagne d’Auvergne. J’y ai dirigé longtemps des cultures importantes. L’analyse décelait 2 à 3 grammes d’azote combiné par kilogramme de terre et, comme l’épaisseur de la couche arable dépasse 1 mètre, 1 hectare renfermait 10 000 mètres cubes de terre, pesant environ 42 000 tonnes, de 1 000 kilogrammes ; on trouvait donc, dans un hectare, de 24 000 à 36 000 kilogrammes d’azote combiné.

Une très bonne récolte de betteraves n’exige guère que 100 kilogrammes d’azote. Il semblait donc que la terre en renfermât une quantité infiniment supérieure à celle qui était nécessaire, et cependant on n’atteignait les hauts rendemens de betteraves, que par l’addition de 300 à 350 kilogrammes de nitrate de soude par hectare. Preuve évidente de l’insuffisance des indications de l’analyse.

En effet, l’azote, l’acide phosphorique, la potasse, se trouvent dans le sol à différens états, engagés dans des combinaisons, dont les unes sont assimilables par les végétaux, tandis qu’ils ne tirent aucun parti des autres, de telle sorte que l’analyse élémentaire ne suffit pas à guider le cultivateur, il faut y joindre l’analyse