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simples conjectures. La grande industrie de fabrication des superphosphates ne prospère que parce qu’elle fournit aux cultivateurs de l’acide phosphorique assimilable. Or, les superphosphates ne produisent d’effet utile qu’autant qu’ils sont répandus sur des terres assez riches en calcaire pour précipiter, sous forme gélatineuse, l’acide phosphorique soluble dans l’eau, mais très caustique, que renferme le produit fabriqué. En effet, l’insolubilité de ce phosphate précipité n’est absolue que dans l’eau pure ; l’eau le dissout aussitôt qu’elle est légèrement chargée d’acides faibles dont il faut chercher l’origine. Ils proviennent : soit de l’oxydation de l’humus du sol, soit de l’activité vitale de la plante elle-même. Toutes les terres renferment de l’acide carbonique que produit incessamment la combustion lente de l’humus, provoquée par les microrganismes. Quelques-unes, riches en débris organiques, contiennent même de l’acide acétique, et j’ai proposé, il y a longtemps déjà, de doser l’acide phosphorique assimilable des terres en les attaquant par l’acide acétique.

Ce mode de recherche s’est trouvé d’accord avec les résultats fournis par l’emploi des superphosphates sur diverses terres. A Grignon et dans la Limagne d’Auvergne, les superphosphates ne produisent aucun effet ; leur épandage n’augmente pas les récoltes ; ces terres renferment donc de l’acide phosphorique assimilable ; à l’analyse, elles en cèdent, en effet, une proportion notable à l’acide acétique ; il en est de même du limon du Nil. Une terre du département du Nord qui, au contraire, ne donne de bonnes récoltes qu’autant qu’elle reçoit des superphosphates, n’abandonne à l’acide acétique que des traces de phosphates.

On peut donc être guidé dans l’emploi des engrais phosphatés, enjoignant au dosage de l’acide phosphorique total, celui de l’acide phosphorique soluble dans l’acide acétique.

À cette méthode de recherche s’en est ajoutée récemment une seconde, qui repose sur l’action dissolvante qu’exercent les racines elles-mêmes ; elles sécrètent un acide assez énergique pour corroder le marbre. La preuve en a été donnée depuis longtemps par le physiologiste allemand Sachs ; rien n’est plus facile que de répéter sa jolie expérience. On dépose une plaque de marbre bien poli au fond d’une de ces terrines larges et peu profondes qu’emploient les jardiniers pour leurs semis ; on recouvre de sable, on arrose et on sème quelques graines, des haricots par exemple ; les jeunes radicelles ne tardent pas à venir buter contre la plaque de