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pour des motifs personnels, et sans attacher à leur choix une grande importance. Ce choix en aura, néanmoins, pour le bon ordre des discussions. Un président peut beaucoup sur une Chambre, surtout sur une Chambre qui vient de naître : il lui suffit d’un peu d’autorité et de tact pour lui faire prendre de bonnes habitudes de travail, ou pour l’empêcher d’en contracter de mauvaises. On a beaucoup parlé, il y a quelques mois, de la nécessité de réviser le règlement : ce serait le moment de tenir les promesses qu’on a multipliées à ce sujet. Le meilleur président ne dispense pas d’un sage règlement ; l’un et l’autre sont nécessaires pour mettre en œuvre les élémens utilisables de toute assemblée. On ne saurait, pour cela, prendre trop de précautions. A dire vrai, les élections n’ont pas donné grand’chose ; elles n’ont pas tenu tout ce qu’on en attendait ; elles n’ont pas modifié la situation d’une manière très heureuse ; elles n’ont pas, en amenant au Palais-Bourbon une majorité nombreuse et solide, permis au gouvernement de ralentir son effort quotidien. Plus que jamais, au contraire, cet effort est indispensable. Il n’y a rien de changé en France ; il n’y a qu’une Chambre de plus.


Plus que jamais aussi, nous aurions besoin d’un gouvernement assuré de son lendemain. L’Europe, ou pour mieux dire le monde entier, puisque les États-Unis sont engagés dans une guerre avec l’Espagne, guerre dont le premier contre-coup s’est fait sentir aux îles Philippines et dont le second se produira sans doute bientôt dans les Antilles, le monde entier traverse une période difficile et critique. De graves questions sont soulevées sur des points très éloignés les uns des autres, et entre ces questions s’établit une connexité étroite. L’échiquier politique a démesurément grandi, et les intérêts qui s’y jouent deviennent de plus en plus complexes. Nous voyons partout, ou presque partout, des gouvernemens très solides, qui suivent une politique nettement déterminée, et qui, à travers la mobilité des circonstances, poursuivent sans déviation le but qu’ils se sont assigné. Il a paru en être de même pendant quelques années du gouvernement français ; mais des incertitudes planent sur l’avenir, et on peut craindre que l’instabilité de notre situation au dedans n’influe d’une manière inquiétante sur la direction de notre politique au dehors.

Il y a quinze jours, un assez mauvais bruit nous est venu d’Angleterre : M. Chamberlain venait de prononcer un discours à Birmingham. Quelques jours avant, lord Salisbury avait également harangué une réunion d’hommes d’affaires et de banquiers ; mais son éloquence