C’est aspirer à civiliser la guerre. Si étrange qu’il paraisse, le vœu est généreux et mérite l’examen le plus sympathique. On est tenté, à première vue, de relever dans les termes mêmes qui le formulent une contradiction qui suffirait à l’écarter. Civil et militaire sont, en effet, deux vocables habituellement opposés l’un à l’autre. Mais ce serait jouer sur les mots, car on voit parmi les civils des gens qui tuent, moins civilisés que les plus humbles troupiers. Néanmoins, tout en renonçant à cette objection purement verbale, on pourrait objecter encore que les nécessités de la guerre sont radicalement incompatibles avec la civilisation. Mais on pourrait aisément répondre que les ressorts moraux de la guerre même, l’esprit militaire, se modifient dans le sens du progrès général. Grâce à la facilité croissante des communications, aucun peuple n’est inaccessible à l’adoucissement général des mœurs sous l’influence continue d’une culture toujours plus large et plus répandue. Une race arriérée, au milieu de races avancées qui la circonviennent et la pénètrent, n’en garde pas moins, il est vrai, longtemps encore sa barbarie héréditaire sous le vernis des mœurs étrangères imparfaitement assimilées par elle ; mais sa législation se transforme avant son caractère (voyez les Japonais), ses lois réagissent sur ses mœurs et à la longue finissent par en avoir raison. Tout cela est incontestable, et la guerre paraît renier son atrocité, elle semble tendre à s’humaniser. La convention de Genève, par exemple, témoigne que des immunités bienfaisantes sont désormais accordées par les belligérans aux ambulances, à la condition des blessés protégés par la Croix rouge. On ne les achève plus, il suffit de les mettre hors de combat. Mais gardons-nous d’en inférer que l’esprit de charité ait pour cela réellement gagné sur l’essentielle et fatale cruauté de la guerre. Si, d’une part, en effet, on laisse la vie aux combattans rendus inutiles, on s’ingénie à les multiplier par le perfectionnement des armes. La mort même y trouve son compte, car une balle capable de percer plusieurs poitrines à la file menace de mettre les militaires hors de combat en les tuant, au lieu de le faire en se bornant à les estropier ou à les affaiblir. On ne peut pas doser charitablement la malfaisance d’une arme dont on s’est appliqué à rendre les coups le plus possible précis, rapides, nombreux et perforans. Une pareille tentative est contradictoire. En réalité, les champs de bataille sont devenus plus vastes que jamais et les batailles, plus froidement meurtrières. Il faut donc, malgré tout,