Personne n’a moins que moi le goût des néologismes. Exception faite pour les termes techniques, je tiens que notre vieille langue française est presque toujours assez souple et assez riche pour traduire toutes les idées modernes ou soi-disant telles. Et cependant je me vois en quelque sorte obligé de fabriquer une expression nouvelle : les non-classées, pour désigner clairement une catégorie de femmes que j’ai en vue. Celle de déclassées, qui est usuelle, non seulement ne rendrait pas ma pensée, mais dirait exactement le contraire.
On appelle communément des déclassées les femmes qui, nées dans une certaine condition sociale, n’ont pas su s’y maintenir, et qui sont tombées au-dessous du rang où les circonstances les avaient placées. J’appelle, au contraire, des non-classées les femmes, ou plutôt les jeunes filles, qui, nées dans un milieu populaire, ont fait effort pour s’élever au-dessus, sans y avoir encore réussi, et qui oscillent, incertaines de leur avenir, entre la condition qu’elles ont quittée et celle qu’elles n’ont pu encore atteindre.
Le nombre des non-classées est grand dans notre société moderne. Il va s’accroissant chaque année, et cet accroissement provoque chez les moralistes des réflexions chagrines auxquelles,