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Aussi, dans son avant-dernier rapport, demandait-elle à tenir son rang, lors de la célébration du jubilé de 1897, et elle faisait appel à la générosité publique, « afin qu’il lui fût possible de faciliter à un plus grand nombre de femmes anglaises le moyen de porter le nom et l’exemple de leur grande reine jusque dans les parties les plus reculées de son vaste empire. »

La Société française d’émigration des femmes n’a point reçu les mêmes encouragemens. Elle n’a rencontré, ni dans le monde colonial, ni dans le monde charitable, les concours sur lesquels elle croyait pouvoir compter. Le monde charitable n’en a pas compris l’intérêt. Le monde colonial, qui lui avait au début témoigné quelques sympathies, s’en est assez vite désintéressé. Aussi son existence aurait-elle bien pu ne dépasser que de peu de mois la date de sa naissance, si elle n’avait été soutenue par l’énergie et le dévouement d’une femme de haute intelligence qui s’y est consacrée tout entière. Grâce à son activité incessante, certains résultats, qui sont intéressans, peuvent déjà être considérés comme acquis.

Une des principales objections qui étaient faites à la création de la Société se traduisait ainsi : On ne trouvera pas de femmes voulant partir pour les colonies. Si les Français sont attachés à leur foyer, les Françaises le sont encore davantage. Pas une femme respectable ne témoignera le désir d’émigrer. Celles qui s’adresseront à la Société ne seront que des aventurières, des demoiselles avec tare dont on ne voudra plus dans les agences matrimoniales. Ce serait un triste cadeau à faire aux colonies, et ce n’est vraiment pas la peine de les y envoyer.

À cette objection l’expérience a déjà répondu d’une façon victorieuse. La Société ne compte guère, en réalité, plus de six mois d’existence, les premiers mois ayant été absorbés par les difficultés d’organisation. Durant ces six mois, elle n’a pas reçu moins de 575 demandes ; ce qui fait presque une moyenne de 400 demandes par mois. Ces demandes, après enquête faite, ont été reconnues comme émanant de personnes parfaitement respectables qui, aux prises avec les pires difficultés de la vie, ont espéré trouver meilleure fortune aux colonies que dans la mère patrie. Dans le nombre figurent : 68 institutrices, gouvernantes, et demoiselles de compagnie ; 67 employées ; 25 sages-femmes ; 1 doctoresse ; 1 dentiste ; 78 couturières ; 20 modistes ; 16 cuisinières ; 48 femmes de chambre ; 19 bonnes à tout faire ; 30 femmes sans profession, etc.