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des Cent-Jours, qu’il a fait entrer dans le cabinet malgré les répugnances du Roi.

Le maréchal Gouvion-Saint-Cyr, ministre de la Guerre, et Corvetto, ministre des Finances, demeurent étrangers aux dissentimens qu’engendre dans le cabinet la politique intérieure et affectent de s’en tenir aux affaires, si lourdes, de leur département. Corvetto, « petit homme chauve à figure ouverte et spirituelle », est un financier compétent et habile qu’absorbe la tâche qu’il s’est donnée de réparer les brèches faites par de longues années de guerre à la fortune de la France. Dans le conseil, sur les questions de politique, il évite de discuter ; mais, ordinairement, il se prononce dans le même sens que Decazes. Il en est de même du maréchal. Quoique rallié aux Bourbons en toute sincérité, Gouvion-Saint-Cyr a gardé dans le cœur l’amour de la vieille armée. Dans la reconstitution militaire de la France, il s’ingénie à la défendre contre les prétentions de Monsieur et de ses amis qui, sous prétexte d’en changer l’esprit, voudraient y tailler, au profit des anciens chouans et des anciens émigrés, une large part d’emplois et de grades. Gouvion-Saint-Cyr est toujours de l’avis de Decazes.

L’ébauche qui vient d’être tracée du ministère Richelieu à la fin de 1818 permet de se rendre compte des obstacles que rencontre sur son chemin le ministre de la Police, qui en est le membre le plus actif, le plus entreprenant, le plus audacieux. Il est bien intéressant d’entendre sa femme exposer les intentions dont il était animé et plaider pour lui. « Il se mit, dit-elle, à jouer sa partie avec autant d’ardeur et de bonne foi que d’espérance dans le succès. Son cœur chaud se donnait tout entier à la cause qu’il servait, sans être arrêté par les difficultés ni par les conséquences qui pouvaient en résulter pour lui. Sûr de la loyauté de ses intentions, sûr de son royalisme et de son libéralisme, il ne pouvait croire qu’on doutât de l’un parce qu’il ne niait pas l’autre. Il marcha avec les royalistes tant qu’il les crut dans l’intérêt du pays. Il les abandonna quand il vit le danger qu’ils faisaient courir au roi. Alors, ils crièrent qu’il trahissait la royauté, parce qu’il refusait de s’associer à leurs passions. De même, après avoir marché quelque temps avec les libéraux, il s’arrêta quand il sentit où ils voulaient le conduire, et ils l’accusèrent de réaction. M. Decazes avait entrepris une œuvre qui ne pouvait s’accomplir que lentement, et chacun voulait un résultat immédiat. Il