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du blé, c’est que bien des paysans n’avaient pas de quoi acheter des semences, et que beaucoup de terres restaient incultes pendant l’année qui suivait une disette ; ce qui contribuait à maintenir les chiffres élevés.


II

Au XIIe siècle, les prix de l’hectolitre de froment oscillent entre 87 centimes dans le département de l’Eure (1180) et 43 fr. 50 dans celui du Bas-Rhin (1197). Dans la seule province de Normandie, il se vend, durant la même année, 1 franc à Nonancourt, 4 fr. 50 dans le pays de Caux, 10 francs à Mortain et 16 francs dans le Cotentin. Dans le premier quart du XIIIe siècle, le prix moyen de l’hectolitre de blé fut de 3 fr. 80. Pendant la seconde partie du règne de saint Louis, il s’éleva à 5 fr. 80 et pendant la première moitié du règne de Philippe le Bel, à 6 fr. 40. De 1251 à 1300, il varia en Franche-Comté de 4 à 13 francs, en Languedoc de 5 à 12 francs, en Normandie de 92 centimes à 11 fr. 60, et dans l’Ile-de-France de 22 francs à 1 fr. 17.

On constate à la fois des similitudes extraordinaires entre deux points éloignés et, entre deux localités situées à petite distance, des divergences singulières. A quelques années d’intervalle, la position des diverses régions se retourne : celles qui étaient en haut de l’échelle sont en bas et, réciproquement, celles qui regorgeaient de grains, pendant que les autres en manquaient, s’en trouvent privées, alors que les indigentes de la date antérieure ne savent qu’en faire. En 1289, le blé coûte 10 fr. 25 en Piémont et 1 fr. 65 en Alsace ; en 1294, il coûte 11 fr. 50 en Alsace et la moitié seulement en Piémont.

Le blé montait rapidement au commencement du XIVe siècle. La moyenne des vingt-cinq années (1301-1325) avec lesquelles finit la dynastie capétienne directe est de 8 fr. 60 pour l’ensemble de la France. Elle varie, suivant les provinces, de 2 fr. 30 à 28 francs. Peut-être attribuera-t-on l’incohérence de ces moyennes locales à ce que les prix infimes de certaines provinces appartiennent aux années de prospérité et les prix excessifs de certaines autres aux années de famine ; et en effet, dans des recherches de cette nature, on est obligé de prendre les chiffres qui se présentent, au hasard de l’exploration. Mais ce n’est pas à un pareil motif que tiennent les disparités : la Saintonge, qui ressort en moyenne