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d’en être réduits à se nourrir, par économie, de « fruitages et laitages », on peut croire que, pour le laitage, ce n’est là qu’une simple formule ; car le lait et le beurre, avec des vaches soumises au régime que l’on a vu tout à l’heure, étaient des denrées toujours plus haut cotées que la viande. Le beurre, qui, du XIIIe au XVe siècle, varia en Angleterre de 49 à 60 centimes le kilo, monta en France, sous Charles VI et Charles VII, jusqu’à 80 centimes, 1 franc et 1 fr. 50 en moyenne. Il était redescendu à 50 centimes, pendant les cent ans qui séparent l’avènement de Louis XI de la mort de François Ier, pour s’élever de nouveau à 1 fr. 25 dans le dernier quart du XVIe siècle. Il valait le même prix à Francfort ; mais la Grande-Bretagne ne payait le sien que 95 centimes. Le beurre frais, sensiblement plus cher que le beurre salé, s’était vendu dans les environs de Paris, au XIVe siècle, jusqu’à 3 et 4 francs le kilo.

Le litre de lait variait de 10 à 20 centimes à cette époque ; plus tard et jusqu’au règne d’Henri IV, il se paya 8 centimes environ en lait ordinaire ; la crème valait 46 centimes et le lait écrémé ou battu 3 centimes et demi. La plupart des renseignemens recueillis sur les fromages ne peuvent être utilisés, d’abord parce que les prix sont donnés « à la pièce », sans indication de poids ; — or il est des fromages de 100 grammes et d’autres de 50 kilos ; — ensuite parce que le plus grand nombre portent des noms empruntés à une localité du voisinage, — jusqu’au XVIe siècle les fromages ne font pas de longs parcours, — dont la réputation est aujourd’hui perdue. Nous ignorons, par suite, le genre de fermentation laiteuse et la famille à laquelle ils se rattachent. La comparaison de leurs prix avec ceux du beurre est un indice de leur qualité médiocre ; chacun sait qu’il existe trois sortes de fromages : ceux qui sont le produit du lait naturel, ceux auxquels on a ajouté de la crème et ceux à qui on l’a enlevée. À cette dernière catégorie se rattachaient la plupart des espèces communes — fromages blancs ou « de presse » — dont le peuple se contentait. Mais le fromage d’Auvergne valait 65 centimes en 1567, et le « Cantal » aujourd’hui ne se paie guère plus du double ; le « Hollande » coûtait alors 1 fr. 32 à Bruxelles, il se vend maintenant 2 francs à Paris : le « parmesan », que nos contemporains achètent 3 francs le kilo à Paris, était coté 2 francs au XVIe siècle. En somme, le lait, le beurre et le fromage ont beaucoup moins enchéri que la viande ; c’est un résultat des progrès de