été réquisitionné, et 3 fr. 45 seulement à Rouen. De pareilles différences n’étaient pas rares en ce temps-là.
Quant aux légumes, représentant 4 pour 100 de la dépense totale des ouvriers, la comparaison, pour être exacte, doit se borner aux genres les plus communs : aussi bien les légumes consommés actuellement par les classes aisées sont-ils de découverte récente. Du XIIIe au XVIe siècle, on ne connaissait ni l’artichaut, ni l’asperge, ni la tomate, ni la betterave, pas plus que l’aubergine, le melon, le potiron, etc. Le chou-fleur n’est cultivé que depuis cent cinquante ans environ et la pomme de terre que depuis le règne de Louis XVI. Cette absence de la pomme de terre, qui joue un si grand rôle dans l’alimentation des paysans du XIXe siècle, et que nos aïeux ignoraient, n’est pas, dans les rapprochemens de ce genre, le seul vide embarrassant qui se rencontre. Les élémens de la nourriture ne sont pas seuls à s’être modifiés ; ceux du chauffage, de l’éclairage, de l’habillement, ont eu le même sort.
D’autre part, certains comestibles ont, dans le domaine maraîcher, ou perdu grande partie de leur importance — tels les raves — ou disparu tout à fait, comme le chènevis, les feuilles de pavots et de bourrache, jadis mangés en salades, ou comme cet autre mets délicat du XVIe siècle : la « feuille de violette de mars », mêlée avec la jeune ortie. Les farineux, — pois, fèves, haricots et lentilles, — ont tenu sur la table des petites gens, depuis Charlemagne jusqu’à la Révolution, la place de nos tubercules modernes. Bien que passés au second rang, ils sont encore l’objet d’un trafic notable. Le litre de gros pois ou de haricots secs se vend aujourd’hui environ 23 centimes. Le journalier de 1898 en gagne donc par jour 11 litres ; celui des XIIIe et XIVe siècles en gagnait une quantité à peu près équivalente ; mais le manœuvre du XVIe siècle n’en obtenait plus que 6 litres. Encore ne faut-il pas oublier que, pour notre travailleur actuel, ayant le pain blanc et la pomme de terre à bon marché, la fève ou le haricot sont une nourriture toute facultative ; tandis que, chez l’artisan d’autrefois, ils avaient pour mission de remplacer les céréales dans les années de disette.
Sujets aux mêmes intempéries, et confinés par l’état économique dans le lieu de leur production, ils haussaient et baissaient avec une extrême instabilité ; entre les prix des diverses provinces il y a des écarts du simple au triple : en 1576-1600, l’hectolitre de