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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 147.djvu/885

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Cet enseignement est l’objet principal d’études qui, sans lui, n’auraient d’autre résultat que de satisfaire une assez vaine curiosité. Mais, tant que l’on n’a passé en revue qu’une portion du budget populaire, toute conclusion serait prématurée ; et la nourriture ne comprend que les 6 dixièmes de ce budget. Loyer, vêtement, chauffage et éclairage en forment le complément, et la place me manque pour examiner maintenant ces quatre chapitres. Si nous voulons toutefois rapprocher le coût de l’alimentation au moyen âge de ce qu’il est en 1898, nous commencerons par réduire en francs actuels les prix d’autrefois, d’après la puissance d’achat des métaux précieux de l’an 1200 à l’an 1600.

Multipliées ainsi par un coefficient uniforme pour obtenir leur valeur présente, les denrées de première nécessité ressortiront presque toutes de nos jours à meilleur marché qu’autrefois. Les œufs et la viande de boucherie ont prodigieusement renchéri ; les premiers de 60 pour 100, la seconde de 65 pour 100 ; le lard a peu varié, il est plus cher de 4 pour 100 seulement. Au contraire, le beurre et le lait, le vin, les légumes, ont baissé de 10, 13 et 19 pour 100. L’huile à manger, l’épicerie et le poisson ont diminué de 35, 41 et 50 pour 100 ; enfin le pain est de 16 pour 100 meilleur marché, et l’on sait qu’il forme à lui seul le quart de la dépense d’un ménage rural. Il va de soi que, pour apprécier l’influence des prix sur la situation matérielle du manœuvre, il faut tenir compte de l’importance respective de chaque aliment dans les frais de bouche : Sur une somme de 1 000 francs qu’une famille paysanne débourserait chaque année, et dont la nourriture absorberait 600 francs, la baisse de 16 pour 100 sur le pain représente une épargne de 40 francs, tandis que la baisse de 50 pour 100 sur le poisson équivaut seulement à 15 francs[1].

Le groupe des économies réalisées forme un total de 96 francs et, déduction faite de l’excédent de charges qu’occasionne la hausse de la viande et des œufs — 41 francs — le budget alimentaire se trouve, en définitive, d’environ 9 pour 100 moins lourd qu’il n’était jadis. Il est vrai que les salaires sont aujourd’hui moindres — de 13 pour 100 — qu’ils n’ont été au cours des quatre siècles que l’on vient de résumer. Par suite, la position du journalier serait identique en 1898, et même un peu inférieure —

  1. On a dit plus haut que le poisson est considéré comme absorbant 3 pour 100 du budget.