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Dubout a le droit de lui répondre à son tour et de lui répondre dans la Revue des Deux Mondes.

Ont-elles voulu peut-être, en nous condamnant à réimprimer dix ou douze pages de la Frédégonde de M. Dubout, ouvrir à tout auteur tombé la Revue des Deux Mondes ; le venger du public aux dépens de nos lecteurs ; et ainsi consacrer une atteinte beaucoup plus grave à la propriété que ne l’est sans doute celle des critiques de M. Lemaître, je ne dis pas à la dignité, mais à l’amour-propre de M. Dubout ? On ne nous le fera pas croire. Les magistrats éminens qui composent la Cour de cassation et la Cour de Paris, — et parmi lesquels il y a même des romanciers, — savent parfaitement qu’il y aurait plus que de l’abus à considérer la reproduction d’un roman tout entier comme une légitime « réponse » à la critique dont ce roman a pu être l’objet. Car où serait la limite ? et pourquoi pas l’œuvre tout entière du romancier, de feu Dumas, par exemple ? ou de M. Jules de Glouvet ?

Ce que savent très bien encore la Cour de cassation et la Cour de Paris, c’est qu’en faisant du « droit de réponse » l’application qu’elles viennent d’en faire, elles se sont donné les apparences d’étrangler juridiquement, de toutes les libertés, la seule qu’en aucun temps, aucune législation n’ait méconnue : c’est la liberté de la critique, laquelle, sans doute, ne consiste pas à pouvoir trouver, en son par-dedans, une pièce ou un roman détestables, mais à pouvoir ouvertement le dire. Ainsi pensait du moins un magistrat qui en valait bien d’autres ; qui s’honora de protéger Boileau contre les Dubout de son temps ; et qu’on appelait le président de Lamoignon.

Et, en s’attachant étroitement au texte de la loi, la Cour de Paris et la Cour de cassation auraient-elles donc voulu dire qu’en aucun cas, pour aucun motif, ni pour aucune considération, la loi ne pourrait être interprétée que selon le pharisaïsme de sa lettre ? Non, sans doute ! car si la loi s’appliquait de cette manière générale, absolue, et en quelque sorte automatique, nous n’aurions en vérité pas besoin de magistrats, ni nos magistrats de cette étendue de science, de cette universalité de connaissances, de cette largeur d’esprit qu’on se plaît à reconnaître en eux.

Nous croyons donc pouvoir l’affirmer : la véritable intention de la Cour d’appel de Paris et de la Cour de cassation a été de démontrer par l’absurde, à la façon des géomètres (qui passe pour irrésistible), l’urgence de réformer, ou plutôt d’abroger et de refaire le texte qui régit le « droit de réponse ». Elles ont voulu dire au législateur, avec le respect qu’elles lui doivent, et la spirituelle malice dont on s’est