rive opposée du Danube, où est Pest, on vous montre une vaste caserne : c’est dans une de ses cours que furent fusillés les « martyrs de l’indépendance », et à leur tête, le comte Batthiany : tout juste en cet endroit, on a besoin de construire ; la caserne autrichienne va disparaître, comme la statue du général autrichien. Et, à chaque fois, c’est un peu de l’Autriche qu’on efface, c’est une trace d’effort unitaire qu’on recouvre, c’est un pied de particularisme qui repousse. — Comment ne pas penser à ce que m’a dit de l’Orient, à ce que m’a laissé deviner de l’Autriche-Hongrie, l’homme qui les connaît si bien ? L’Orient, il est là, après ce coude où le fleuve, surplombé par des rocs violets et roses, semble tout à coup s’étaler en une nappe qui donne l’impression de la mer ; à ce détour, l’Orient rejoint l’Europe, et, à ce détour, la question d’Orient se mêlant à la question austro-hongroise, elle se développe dans toute son ampleur et devient la plus vaste et la plus redoutable des questions européennes.
Reprenons maintenant, au point, de vue international et européen, les trois solutions hypothétiques que nous avons examinées au point de vue national et autrichien : 1° transformation du dualisme en trialisme ; 2° transformation en fédéralisme ; 3° dissolution de la Monarchie et constitution, sous la présidence de la Hongrie, d’une Confédération balkanique.
Tout d’abord, la monarchie dualiste, transformée, par l’accession de la Bohême à l’égalité dans la souveraineté, en monarchie trialiste, resterait-elle pour la politique internationale le facteur qu’elle était, et, plus particulièrement, qu’elle a été depuis vingt ans ? Ou bien, plutôt, d’un élément allemand qu’elle était en Europe, sous l’influence de la Bohême, État slave, ne tendrait-elle pas à s’y comporter comme un élément slavel Ne subirait-elle pas beaucoup moins l’attraction de l’Allemagne, et beaucoup plus l’attraction de la Russie ? Cela dépend naturellement et de la place que la Bohême saurait prendre dans la Monarchie modifiée, et de la mesure dans laquelle elle réussirait à la slaviser, et enfin (car la dynastie, qu’on ne l’oublie pas, jouerait en cette affaire un rôle très important), de l’aptitude que montrerait et de la bonne volonté que mettrait la maison de Habsbourg à se dégermaniser pour se slaviser elle-même. — Mais ce qui est infiniment probable, c’est que, si cette