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été reconstruits au XVIIIe, après les inévitables incendies. C’est là que Mgr de Laval forma les prêtres nombreux qu’il répandait ensuite dans les paroisses de son diocèse, prêtres amovibles à son gré et soumis en outre à la conduite du supérieur de ce séminaire qui était affilié aux Missions étrangères. La loi des jésuites, dont le but est de réduire l’homme à l’état d’instrument entre les mains d’un directeur suprême, était pratiquée par le premier évêque du Canada envers son clergé. Dans la très curieuse bibliothèque de ce qui est aujourd’hui le palais archiépiscopal, on voit le résultat, heureux en somme, de ses exigences. Chaque curé devait lui envoyer régulièrement tous les mois les registres de sa paroisse avec renseignemens et détails à l’appui. Cette obligation, maintenue jusqu’à nos jours, a produit de très précieuses archives historiques. Les registres, titres et documens que recèle cette bibliothèque de 120 000 volumes relatifs en grande partie au Canada, la copieuse correspondance de Rome, des communautés religieuses, des séminaires, des paroisses, celle des missionnaires dispersés sur le vaste territoire français qui s’étendait autrefois du golfe Saint-Laurent à la Louisiane, tout cela remplit une salle que fera bien d’explorer avec soin quiconque se proposera dans l’avenir d’écrire sur cette grande colonie de la Nouvelle-France, trop peu connue chez nous. Les explications d’un jeune prêtre de l’esprit le plus distingué, M. C.-O. Gagnon, m’ont permis de garder de ces trésors autre chose qu’un souvenir confus ; mais j’avoue que ce qui m’intéressa surtout fut l’œuvre de patience et d’amour accomplie au profit des sauvages par ceux qui s’efforçaient, qui s’efforcent encore de les évangéliser dans leur langue. Il y a là une longue suite de traductions des livres saints, de prières, de cantiques auxquels sont attachés des noms bien souvent répétés à Tadoussac, sur le Saguenay et sur la rive Nord du Saint-Laurent : le Père Faber, le Père de Crépieul, le Père Maurice, le Père Coquart, etc. Sur ces manuscrits jaunis, aux couvertures grossières de toile ou d’écorce, souvent grignotées par les rats, sur ces pages qu’ont battues des intempéries de toute sorte, et d’où s’exhale la parole de Dieu, mise à la portée des différentes nations indiennes, courent, alternativement avec des dessins et des signes hiéroglyphiques, ces écritures d’autrefois, serrées, fermes, très personnelles. Un catéchisme du Père Laure me fait sourire. Je me demande s’il pouvait écrire en montagnais plus naïvement encore qu’en français, cette phrase