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fréquentes tentatives dirigées contre lui par les populations conquises. La difficulté de surveiller les lignes donne beau jeu à leurs ennemis : un fil est si vite coupé, un poteau si rapidement jeté à terre ! Mais ce n’est cependant pas à une hostilité particulière au télégraphe qu’il faut attribuer les plus fréquentes attaques dont il est l’objet. Les lignes aériennes se composent de trois élémens adaptables aux nécessités d’un ménage rudimentaire. Les isolateurs renversés forment des récipiens, grossiers sans doute, mais inespérés, pour les Arabes, grands amateurs de café, mais peu riches en tasses. Plus recherchés sont encore les fils de ligne. S’ils sont en fer, les usages auxquels on peut les appliquer sont innombrables : ornemens, armes, liens, clôtures, etc. S’ils sont en cuivre, la coquetterie des naturels de certains pays les transforme en bagues, bracelets et bijoux de toute sorte. Dans l’Inde, où les fils de laiton, coupés en courtes tiges, forment une monnaie courante, les fils des lignes de cuivre risqueraient fort d’être volés pour cet usage, si la couleur du métal n’était très vite ternie par les poussières de l’air, et si, d’ailleurs, le faible diamètre de ces fils n’empêchait de la distinguer.

Les poteaux en bois ont mainte utilité : on peut les brûler pour se chauffer ou faire sa cuisine. On les emploie aussi pour la construction. Quant aux poteaux en fer, quelle bonne fortune, s’ils sont tubulaires, comme ceux qu’on a employés en Asie Mineure, en Égypte et en Perse ! Voilà une conduite d’eau toute trouvée. Dans les Indes, et surtout dans le Mekrân, où l’on a employé des poteaux tubulaires analogues aux poteaux d’Asie, les gens du pays s’emparaient du paratonnerre en fer forgé qui les surmonte pour en faire une arme en le fixant à l’extrémité d’un bambou ; il a fallu le river au poteau.

Les déprédations télégraphiques s’exercent quelquefois d’une façon naïve. Tel est le cas de ce paysan annamite qui, après avoir enlevé les fils de fer pour les approprier à ses besoins personnels, les avait consciencieusement remplacés, entre les poteaux, par de longs bambous liés ensemble, afin que la ligne pût toujours fonctionner.

Le fanatisme se met souvent de la partie. En Chine, lorsqu’on a voulu construire les premières lignes télégraphiques aériennes, on s’est heurté à une hostilité invincible de la part des populations. On sait de quelle vénération est entouré le culte des ancêtres. Il n’y a pas de cimetière en Chine. Chaque famille garde