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à Paris et 7 francs à Orléans ; en 1686, il descendit au prix dérisoire de 2 francs à Rouen, tandis qu’il se maintenait à 17 francs à Uzès. Sous Louis XV, les écarts sont moins grands ; la valeur ne diffère que du triple, d’une ville à l’autre, et plus d’une fois, durant l’excellent ministère de Fleury, les prix se trouvent identiques sur tout le territoire. Avec le développement des routes, sous Louis XVI, la tendance au nivellement s’accentue ; la différence maximum n’est plus que du simple au double. Mais les prix avaient uniformément haussé, sur tout le territoire, beaucoup plus que les salaires. Les progrès de la population surpassaient les progrès de l’agriculture.

Si une révolution inverse ne s’était effectuée de nos jours, et si nous n’avions pas, en outre, la ressource de l’importation, non seulement les Français d’aujourd’hui mangeraient encore du pain d’avoine, mais cet aliment même leur ferait défaut, puisque le nombre des bouches à nourrir s’est, depuis cent ans, accru de près de moitié à l’intérieur de nos frontières.

En comparant le revenu de l’hectare de terre au prix de l’hectolitre de blé, on constate que, de 1500 à 1600, le blé avait quintuplé, — de 4 à 20 francs l’hectolitre, — tandis que le revenu foncier était seulement deux fois et demie plus fort, — de 8 à 19 fr. — Comme le prix de la main-d’œuvre était stationnaire, cela signifiait que la terre était mal cultivée, qu’elle rendait peu, puisque ses produits haussaient de prix beaucoup plus qu’elle-même. Du XVIIe siècle à la Révolution, le revenu de la terre et la valeur du blé demeurent à peu près dans le même rapport. Enfin, depuis cent ans, ce rapport a totalement changé : la rente de la terre a doublé pendant que le blé ne haussait que d’un quart, mouvement tout contraire à celui du XVIe siècle.

Pour que la terre ait pu se louer ainsi beaucoup plus cher, quoique les marchandises tirées de son sein n’aient presque pas enchéri, il a fallu que ces marchandises se fussent multipliées en quantité, et chacun sait en effet quelles améliorations ont été réalisées par l’agronomie contemporaine. Le fait mérite d’autant mieux d’attirer l’attention que, durant le même laps de temps, les salaires ruraux ont triplé, et que, par conséquent, les frais de fabrication du blé auraient augmenté dans une mesure analogue, sans la découverte des machines à moissonner et à battre. La récolte moyenne de l’hectare ensemencé en froment, que l’on évalue aujourd’hui à 15 hectolitres, ne dépassait pas naguère 8 ou 9