Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 148.djvu/449

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pourtant a été si forte, le travailleur d’à présent est aussi bien traité que ses ancêtres. Peut-être même l’est-il mieux, si l’on considère que les œufs modernes sont en général plus gros que ceux de jadis, par suite du régime des volailles et de la sélection des races.

L’accroissement de bien-être est sensible, pour les fromages dont les types figurent encore sur nos marchés ; ils ont à peine doublé de prix ; le gruyère, qui vaut 1 fr. 25 à 2 francs le kilo, variait de 0 fr. 75 à 1 fr. 20, et les autres à l’avenant. Le beurre, bien que sa consommation ait singulièrement progressé, n’a de même haussé que du double : de 1 fr. 25 à 2 fr. 50 le kilo. Le plus renommé naguère, celui de Vanvres, s’achetait 4 fr. 50 à 5 francs ; celui des campagnes lorraines ou bourguignonnes ne valait, à l’état salé, que 0 fr. 45. La différence des prix, de l’hiver à l’été, devait être beaucoup plus sensible que de nos jours, en raison de la stérilité périodique des vaches. De là, sans doute, provenaient les prix élevés du lait, qui vaut, dans la même région, de 9 à 33 centimes le litre. La moyenne de 0 fr. 15, résultant des chiffres fournis par les diverses provinces au moment de la Révolution, est certainement très supérieure à la moitié de la valeur actuelle du lait.


V

Pour n’avoir pas à subir les adultérations raffinées que les découvertes récentes ont rendues possibles, le lait et le beurre n’en étaient pas moins soumis à diverses pratiques frauduleuses : le lait de Paris, dès le XIVe siècle, était souvent écrémé et baptisé par les marchands. Ce serait, au reste, une erreur de croire que la falsification des denrées alimentaires soit l’apanage exclusif du temps présent : les générations précédentes faisaient, en ce genre, ce qu’elles pouvaient ; elles y apportaient moins d’art, mais non plus de scrupules que nous.

Le vin seul suffirait à défrayer un chapitre. Les efforts faits dans le passé, avec plus ou moins d’adresse, pour modifier artificiellement le jus naturel du raisin venaient de ce que celui-ci souvent était détestable. Défauts du terrain, ou des cépages, ou de la fabrication, il fallut une éducation plusieurs fois séculaire pour remédier à tout cela, à travers mille tâtonnemens. Il y eut ainsi, dans toute la France, des provinces entières et, dans l’étendue