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du Havre, afin d’en faire venir par mer du Languedoc. A l’intérieur, les impôts perçus par le Trésor, sous des noms et formes multiples, la masse des petits profits de péage, contrôle, courtage, reliage, tirage, attribués à des fonctionnaires légalement interposés entre producteurs et consommateurs, doublaient aisément le prix d’achat. Le port et l’entrée à Paris d’un muid de 268 litres coûtait 50 livres en 1712, soit environ 150 francs d’aujourd’hui, en tenant compte de la valeur relative de l’argent.

J’ai recueilli, pour les XVIIe et XVIIIe siècles, environ sept cent cinquante prix de vin ; de 1601 à 1700, très peu sont supérieurs à 100 francs l’hectolitre, sauf en une année de disette (1693), où le chiffre de 126 francs est pratiqué à Nîmes. Ce dernier taux, normal pour le vin de table fourni à la Duchesse de Bourgogne, n’est guère dépassé que par les bouteilles de vin d’Espagne ou des Canaries, payées jusqu’à 2 fr. 70 chacune. A l’autre bout de l’échelle, il ne manque pas de vins indigènes au-dessous de 10 francs l’hectolitre ; il s’en trouve d’inférieurs à 5 francs, lors des récoltes exceptionnelles. Le cardinal de Richelieu ne trouvait preneur du jus, défectueux à coup sûr, qu’il vendangeait à Rueil, qu’à raison de 4 francs l’hectolitre. Il se gardait d’en boire, ni de le faire boire dans sa maison. Celui qui était servi à Son Éminence revenait à 60 francs l’hectolitre ; pour les personnes de sa suite, il coûtait 39 francs, et 29 francs « pour le commun, » laquais et serviteurs de tout grade. Ce dernier chiffre se rapproche de la moyenne de l’époque, qui ressort à 22 francs. Le vin donné aux soldats était évalué à 11 francs l’hectolitre (1629), mais on ne pouvait espérer un pareil prix que dans le Midi, ou durant les années d’abondance. Les cours subissaient, en effet, des fluctuations inconnues à notre époque ; dans la région parisienne, où nous venons de citer des vins à 4 francs, nous en pourrions citer aussi à 60 francs. Ils varient en Bourgogne de 12 à 55 francs l’hectolitre, de 8 à 42 francs en Alsace, de 3 à 26 francs en Languedoc, de 6 à 40 francs en Provence.

Et s’il est vrai que, selon le cru, l’âge, l’année, selon qu’il est vendu en gros ou en détail, la valeur de ce qu’on appelle du « vin » est susceptible d’aller aujourd’hui de 7 francs à 1 000 francs l’hectolitre, — le premier chiffre se rapportant par exemple aux vins de l’Aude et du Gard en 1893, le second s’appliquant à des champagnes de grande marque ou à des château-yquem d’une date renommée ; — s’il est, par conséquent, impossible, de conclure, du