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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 148.djvu/53

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GLADSTONE

Un mois à peine s’est écoulé depuis que Gladstone a rendu le dernier soupir, sous les yeux d’un peuple entier veillant à son chevet. Le temps n’est point encore venu de porter le jugement de l’histoire sur cette grande figure, sur cette grande carrière. La génération qui a pris part ou qui a assisté aux luttes dont il fut le héros n’a pas le recul suffisant pour envisager, avec l’impartialité sereine de la postérité, ce passé encore tout présent. Malgré tant de publications entassées, dont quelques-unes, en dépit d’une improvisation hâtive et du manque de perspective historique, nous ont apporté d’utiles élémens de connaissance et d’appréciation, nous n’avons point en mains les documens décisifs, — mémoires, lettres, journaux intimes, — qui viendront compléter les documens officiels et qui nous permettront tout ensemble de rattacher cette biographie à l’histoire générale et de vivifier par des détails vraiment personnels ce sec et insipide almanach de la veille, qui est trop souvent la chronique d’une existence à peine close. Il y a près de vingt ans que Beaconsfield est mort. Ses papiers ont été remis, dès le lendemain, à son secrétaire intime, à son confident, lord Rowton, qui devait rédiger, en s’en aidant, cette biographie autorisée, si impatiemment attendue. Ce n’est que d’hier, s’il en faut croire la rumeur publique, que cette tâche a été confiée, par un choix assez imprévu, à une femme auteur, qui a certes, sous son nom de plume de John-Oliver Hobbes, fait preuve d’un talent et d’un tour d’esprit assez analogues, par le mélange piquant d’une ironie tempérée de sentiment et d’un idéalisme coupé de mondanité, au genre de Benjamin Disraeli, mais qui ne semblait point désignée pour écrire un grand morceau d’histoire politique. Quand Gladstone trouvera-t-il un