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inutile de rappeler à ce propos, que, déjà en 1855, M. Faye acceptait que l’on se servît du temps de Paris pour l’organisation du service des chemins de fer, et par voie de conséquence qu’on l’étendît aux usages civils dans la France entière : ce sont ces idées qu’il faisait triompher quarante-six ans plus tard en défendant devant le Sénat, en qualité de commissaire du gouvernement, la loi de 1891.

Quand on dit, avec les astronomes, que le système de l’heure locale, aujourd’hui abandonné, est cependant le seul qui soit naturel, encore faut-il s’entendre. Naturel, il ne l’est que par rapport à ce qui ne bouge pas, à la méridienne fixe de l’Observatoire, à la floche du monument, au clocher immobile, à tout ce qui est attaché au sol de manière immuable ; il ne l’est plus pour l’homme, à moins d’imaginer le sédentaire absolu, l’homme terme, ou encore le nomade systématique qui s’interdirait de changer de méridien. Il ne s’applique pas à l’être mobile qu’est l’homme moderne.

Du moment où les habitans d’une même ville acceptèrent, pour régler leurs continuels rapports, une heure commune, ce fut déjà une infraction au système naturel ; ce fut un premier compromis. Tout déplacement entraîne un changement d’heure ; en toute rigueur, on devrait, à chaque déplacement, corriger sa montre et en pousser les aiguilles. De combien ? D’un nombre d’heures, de minutes, de secondes quinze fois plus petit que le nombre de degrés, de minutes, de secondes d’arc qui exprime le mouvement en longitude, puisque la rotation diurne fait défiler le soleil devant les méridiens successifs à raison de 15 unités d’arc (degrés) pour 1 unité de temps (heure). Un Parisien qui se rend de l’Observatoire au Panthéon devrait avancer sa montre de deux secondes, exactement de 2 secondes, 3, puisque la longitude de ce monument est de 0°0’35 E. Sur une piste orientée de l’Est à l’Ouest, le coureur, cavalier ou cycliste, devrait ajouter ou retrancher une seconde à l’heure de sa montre chaque fois qu’il a parcouru trois cents mètres. Autant dire qu’il faudrait renoncer à la mesure du temps et au bienfait de l’invention des horloges. Une telle rigueur est, dans la pratique, évidemment outrée ; mais elle montre bien qu’il y a incompatibilité entre le régime de l’heure astronomique ou locale et le déplacement de l’homme, les voyages, les communications de lieu à lieu, c’est-à-dire l’entretien des relations économiques et sociales. Tant que la vie locale