déroute. N’espérait-il pas aussi écraser les Anglais sous une nouvelle masse de cavalerie cuirassée ? Il fallait brusquer l’action, gagner sur un point, se maintenir sur un autre, vaincre et imposer à force d’audace, car les circonstances étaient devenues terriblement critiques. L’Empereur livrait à la fois deux batailles, l’une parallèle, l’autre oblique : de front, il attaquait les Anglais ; sur son flanc droit, il était attaqué par les Prussiens.
Vers une heure, Blücher avait rejoint, à Chapelle-Saint-Lambert, le gros du corps de Bülow ; mais quelle que fût son ardeur à combattre, il jugeait imprudent de s’engager dans les défilés escarpés de la Lasne avant d’être assuré qu’il n’y serait point pris en flagrant délit de marche. Sur les deux heures, il sut, par des rapports de reconnaissances, que, les Français étant fort loin, il ne courait encore aucun risque. Il mit aussitôt ses troupes en mouvement dans la direction de Plancenoit. Son objectif était de déborder la droite de l’armée impériale. La marche fut lente et rude. Quand on suit le chemin raviné qui descend de Chapelle-Saint-Lambert, traverse à Lasne le ruisseau de ce nom et remonte la côte, non moins abrupte, de l’autre colline, on s’étonne même que l’artillerie prussienne ait pu franchir ce défilé. Il fallait la volonté de Blücher. Il était partout, ranimant ses soldats exténués de fatigue et de faim (en marche dès quatre heures du matin, ils n’avaient point mangé depuis la veille), leur prodiguant les encouragemens, les appels au devoir, les mots familiers et plaisans. « — Allons, camarades, disait-il à des canonniers qui poussaient aux roues d’une pièce embourbée, vous ne voudriez pas me faire manquer à ma parole ! »
A quatre heures environ, ses têtes de colonne atteignirent le bois de Paris (à une lieue de Plancenoit). Les divisions Losthin et Hiller s’y établirent sans coup férir ; car, au lieu d’occuper les avenues du bois, la cavalerie du général Domon s’était bornée à en observer les débouchés. Dans cette nouvelle position, les Prussiens se trouvaient à couvert. Pour se démasquer, Blücher aurait voulu attendre les deux autres divisions de Bülow qui étaient encore dans les défilés de la Lasne. Mais les messages de Wellington, l’adjurant de prendre part au combat, devenaient de plus en plus pressans ; il entendait rugir les canons français ; il apercevait,