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commencent à s’épaissir (il est près de neuf heures) ajoutent à l’épouvante et accroissent la confusion. Les 12e et 16e dragons anglais sont chargés par le 1er hussards de la Légion germanique. La brigade Adam reçoit le feu d’une batterie prussienne. Les highlanders du 71e tournent des canons français contre les colonnes en fuite. Les quatre bataillons de la garde, qui viennent de regagner le plateau, sont les seules troupes d’infanterie encore en ordre. Anglais et Prussiens enserrent chacun de ces carrés dans un cercle de mitraille, de sabres et de baïonnettes. Chargés simultanément par la cavalerie et l’infanterie, ils sont rompus, démolis, écrasés. Leurs débris roulent dans la débâcle.

A cinq cents mètres en arrière, près de la maison Decoster, attendent formés en carrés, à gauche et à droite de la grande route, les deux bataillons du 1er grenadiers, commandés par le général Petit. Ces hommes sont l’élite de l’élite. Tous portent au moins deux chevrons, quatre sur dix sont légionnaires. L’Empereur est à cheval dans le carré du 1er bataillon. Avec ces redoutes vivantes, il espère encore couvrir la retraite. Il ordonne d’établir, sur le prolongement des carrés, la batterie de 12 qui a longtemps canonné les Prussiens par-dessus Plancenoit et il fait battre la grenadière pour rallier tous les détachemens de la garde. Une foule de fuyards s’écoulent sur la route et des deux côtés des carrés, suivis de tout près par l’ennemi. La batterie de la garde n’a plus qu’un coup par pièce. Sa dernière décharge, à quart de portée, foudroie une colonne de cavalerie. Les artilleurs, désormais sans munitions, restent stoïquement à leurs pièces pour imposer encore aux assaillans. D’autres escadrons s’avancent au galop. « — Ne tirons pas, crie un grenadier, ce sont des hussards français. » Ce sont des hussards anglais qui fondent sur la batterie et sabrent les canonniers désarmés. Mais sur les carrés mêmes, les charges incessantes se brisent et s’éparpillent comme sur des blocs de granit les tourbillons de sable. Devant chaque bataillon de grenadiers, s’élève un sanglant remblai de cadavres et de chevaux abattus.

Dans Plancenoit où les batteries prussiennes ont allumé l’incendie, on combat à la lueur des flammes. La jeune garde, recrutée presque entièrement parmi les engagés volontaires de Paris et de Lyon, et les 1er bataillons des 2e chasseurs et 2e grenadiers, luttent un contre six. Les attaques combinées des divisions Hiller, Ryssel, Tippelskirch échouent plusieurs fois. Gneisenau ranime