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le poids de sa force, il distingua aussi les conditions dans lesquelles elle pouvait être le plus utilement accomplie ; il jugea qu’elle devait avant tout être exécutée rapidement et fit prendre toutes les mesures nécessaires pour qu’il en fût ainsi ; c’est pourquoi, sept ans après la signature du rescrit impérial ordonnant son exécution, les trains circulent déjà sur 2 500 verstes, près de la moitié du Transsibérien, et que les travaux d’infrastructure sont achevés sur plus de 4 000 verstes. En d’autres pays, où manquent l’esprit de décision et la ferme volonté d’hommes sachant voir les intérêts généraux du pays, on en serait sans doute encore à se livrer à de mesquines discussions de clocher sur le tracé à suivre et les moyens d’exécution[1].

Trois points de départ se présentaient pour le Transsibérien : c’étaient les trois localités par où les chemins de fer russes atteignaient déjà les monts ou le fleuve Oural : Tioumen au nord, à 57° de latitude, Zlatooust au centre à 55°, Oronbourg au sud à 52°. Les projets partant de ces trois points se rejoignaient à Nijni-Oudinsk, petite ville du gouvernement d’Irkoutsk, située à égale distance du lac Baïkal et de l’Iénisséi. Tioumen avait l’avantage d’être déjà nettement sur le versant asiatique, dans la plaine sibérienne, et de ce point à Nijni-Oudinsk, la distance à parcourir était de 2 473 verstes ; mais le chemin de fer de l’Oural, dont Tioumen est le terminus oriental, n’est pas relié au réseau général russe et pour établir une voie ferrée continue entre le centre de l’Empire et le Pacifique, comme on y était décidé, il fallait combler d’abord la lacune de 1 000 verstes qui s’étend entre Perm et Nijni-Novgorod ; c’était donc en réalité près de 3 500 verstes à construire. Le tracé central, long de 2 743 verstes jusqu’à Nijni-Oudinsk, pouvait d’abord profiter, pour traverser l’Oural, des 140 verstes du prolongement déjà presque achevé (il fut ouvert en 1891) de Zlatooust à Tchéliabinsk : son point de départ était directement relié au réseau européen ; la ligne effleurait sans doute en quelques sections la steppe insuffisamment arrosée

  1. Veut-on un exemple de ce que j’avance ici ? — En 1891, au moment même où Alexandre III décidait l’exécution du Transsibérien, les Chambres françaises ont voté, sur la proposition de M. de Freycinet, alors président du Conseil, la construction du chemin de fer d’Ain Sefra à Djenien-bou-Resq, dans le Sud Oranais. Cette ligne a une importance stratégique sérieuse ; elle devait avoir 64 kilomètres de long et en comptera en définitive 80. Elle est loin d’être finie encore ; même en ce qui concerne l’infrastructure, les deux tiers seulement sont achevés. Le Transsibérien atteindra l’Amour avant que nous ayons terminé ce misérable tronçon !