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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 148.djvu/949

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La Fiancée du Pasteur, en particulier, est un des plus beaux livres qu’une femme ait écrits. Et tous ces livres sont de véritables romans, les œuvres d’une femme de lettres toujours encore un peu inexpérimentée, mais très intelligente, très sensée, très désireuse de bien faire, et toute frémissante de noble passion. La Case de l’Oncle Tom est autre chose, cela ne saurait faire de doute : elle a été « conçue » autrement, « puisée » à d’autres « sources, » et l’on comprend qu’elle ait eu une autre destinée. Mais de ce qu’elle est différente des œuvres postérieures de Mme Stowe, de ce qu’elle leur est même littérairement inférieure, il ne s’ensuit point qu’on doive y voir le fruit direct de l’inspiration divine. Ce n’est point là qu’est le miracle en elle, si miracle il y a. Et l’étonnement du rédacteur de la London Quarterly Review m’étonne d’autant plus, que je le trouve exprimé dans le compte rendu d’un récent ouvrage américain dont le principal mérite consiste, précisément, à nous montrer de la façon la plus évidente comment Mme Beecher Stowe a été amenée à « concevoir » la Case de l’Oncle Tom, à quelle « source » elle l’a « puisée, » et par quels moyens elle l’a revêtue de sa « forme artistique. »


On ne saurait en effet imaginer une biographie plus complète, ni plus intelligente et plus « suggestive » que celle que vient de consacrer à Mme Beecher Stowe une dame américaine qui l’a beaucoup connue et aimée. Mme Annie Fields, poète elle-même, et de grand talent. Parmi l’énorme masse de documens divers qu’elle avait entre les mains, Mme Fields s’est attachée, avec un tact incomparable, à ne choisir que ceux dont l’intérêt documentaire se doublait d’une réelle signification psychologique ; et il lui a suffi ensuite de relier l’un à l’autre, par quelques lignes de commentaire ou d’explication, ses extraits du Journal intime, de la correspondance, et des autres écrits de son amie pour nous introduire très profondément dans l’intimité de cette âme d’élite. En quatre cents pages d’une lecture charmante, son livre nous apprend de Mme Beecher Stowe tout ce que nous avons besoin d’en savoir : il nous renseigne sur ses goûts et ses sentimens, il nous fait suivre, d’année en année, la formation de son caractère et le progrès de sa pensée. Et toute la vie de l’auteur de la Case de l’Oncle Tom nous y apparaît dans sa belle simplicité, une véritable vie de femme chrétienne, pieusement employée au service du bien.

Mais des deux parties de cette longue vie, l’une antérieure, l’autre postérieure à la publication du fameux roman, c’est incontestablement la première qui offre pour nous le plus d’intérêt. Après l’Oncle Tom,