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l’unisson. Au budget de 1808, l’Empereur consentit à ouvrir à cet effet un crédit de 60 000 francs ; mais que faire de cela ? Le mobilier livré deux années auparavant ne pourrait plus se placer dans une chambre ainsi décorée ; il fallait tout démolir, tout changer, tout refaire et, où l’Empereur avait assigné 60 000 francs, le quadruple n’eût point suffi. Les architectes, perdant l’esprit devant des ordres qu’ils ne pouvaient exécuter et des exigences réitérées qu’ils ne pouvaient satisfaire, résolurent à la fin de ne suivre aucune des idées de l’Impératrice et de ne faire qu’à leur tête. Ils employèrent le crédit à l’aménagement de l’Appartement intérieur tout entier et, lorsque Joséphine revint de Bayonne, tout était terminé. Le 16 août, deux jours après qu’elle fut arrivée à Saint-Cloud, Fontaine se rendit près d’elle et « la prévint avec des ménagemens infinis qu’il n’avait pas suivi exactement ses ordres dans la décoration de ses appartemens, » car, « au lieu des belles boiseries dorées, sculptées et peintes en gris qu’elle avait demandées, tout était disposé pour recevoir de riches étoffes. » Ce serait du brocart de Lyon, si Sa Majesté le voulait bien et, par la suite, elle aurait l’agrément d’y mettre de beaux tableaux qu’elle ordonnerait elle-même. Joséphine ne retira point entièrement ses bonnes grâces à Fontaine, qu’elle connaissait depuis trop longtemps, mais elle fut fort contrariée de cette liberté qu’il avait prise et, comme déjà elle n’aimait guère les Tuileries, elle ne mit nul empressement à juger de ses yeux les pièces où M. Fontaine avait décidé de la faire vivre. Rentrée à Paris au mois d’octobre, elle alla habiter l’Elysée, et ce ne fut que le 4 décembre qu’elle se détermina à faire ses critiques à l’architecte.

Depuis le 22 octobre où elle était venue avec l’Empereur visiter les travaux, elle avait arrêté son opinion, mais ce jour-là elle lui avait laissé la parole. Il avait fort blâmé la forme et la couleur des jeunes enfans qui décoraient le plafond de la chambre à coucher et le dessin du tableau de Blondel, les Trois Grâces, placé dans le cabinet de service précédant. David, qui l’accompagnait et qui trouvait là l’occasion d’affirmer ses prérogatives lésées de Premier peintre, avait renchéri. « Ce sont de vos élèves, » dit Fontaine à David (ce qui n’était point exact de Blondel, élève de Régnault). « Qu’importe ! répliqua David, ce ne sont pas des élèves, mais des maîtres que Sa Majesté doit employer pour orner ses palais. » Le coup était trop habilement porté pour que Napoléon ne fût point touché ; il emporta donc une impression