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l’Empereur, est au premier étage et il est décoré dans un style plus moderne et plus féminin. Aussi ne sont-ce point Percier et Fontaine qui en ont été chargés, mais l’architecte Raimond ; et c’est Pfister, l’intendant du Premier Consul, qui a choisi l’ameublement. Cet ameublement n’est point dans le goût de Napoléon qui aime le sévère et qui apprécie surtout en ses architectes ordinaires ce sens du grandiose que seuls, en près de deux siècles, ils ont porté dans la décoration des palais. Il leur est reconnaissant d’avoir créé un style si naturellement approprié à son règne et à sa personne qu’il en est devenu inséparable, un style qui, s’il a de la sévérité et de la froideur, convient aux palais par sa majesté. A Saint-Cloud au contraire, il trouve « qu’on lui a fait des appartemens comme pour une fille entretenue, qu’il n’y a que des colifichets, des papillotes et rien de sérieux. » Tels quels, au public admis à les visiter, ils paraissent plus agréables que ceux des Tuileries et l’on s’extasie sur le goût qui y a présidé. Il n’y manque point d’objets d’art de premier ordre : dans le Salon de service de l’Impératrice, des tableaux empruntés au musée Napoléon ; de Bernardino Luini, une Sainte-Famille ; du Titien, une Sainte-Famille aussi et le portrait d’Alfonso d’Avalos, marquis del Guasto ; du Guide, le Martyre de saint Sébastien ; de Guérin, seul moderne, Phèdre et Hippolyte ; dans le Salon de l’Impératrice, il y a le beau portrait de Madame Mère par Gérard, mais ce qu’on regarde surtout, c’est la curiosité de la grande glace d’un seul morceau placée au-dessus de la cheminée : elle repose sur un fond de vif-argent qui disparaît si l’on pousse un ressort, et l’on aperçoit alors la perspective du parc du côté de la lanterne de Diogène, avec les bassins étages, les jeux d’eau, les vases et les statues.

L’Appartement intérieur est bien plus coquet qu’aux Tuileries : la chambre à coucher surtout, tendue en velours couleur de terre d’Egypte, brodé en or, avec les rideaux pareils garnis de franges d’or, retombant sur d’autres rideaux de mousseline des Indes brodés en or ; le lit en forme de nacelle, de bois d’acajou garni de bronzes dorés, comme les consoles et les commodes à l’anglaise, et puis, partout, des glaces. Et c’est aussi la jolie salle de bains toute en marbre, avec des frises peintes à l’antique, la salle de bains que Joséphine délaissa en 4806, où, pour des bains médicinaux qu’elle dut prendre, elle se fit aménager, au pavillon Breteuil, une autre salle plus simple.

A Saint-Cloud, sur des points, l’étiquette se relâche un peu,