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de toutes les occasions pour battre en brèche notre influence et miner lentement notre protectorat des missions. D’ailleurs, ni les argumens spécieux, ni les raisons d’apparence plausible ne leur font défaut.

Ils savent mettre en parallèle, l’Allemagne pacifiée et son gouvernement devenu favorable au catholicisme, avec la France troublée par les guerres religieuses et son « gouvernement maçonnique. » Ils vont répétant que la France, persécutrice chez elle des catholiques, ne saurait remplir efficacement au dehors sa charge de protectrice du catholicisme. Ils demandent par quelle étrange contradiction le gouvernement qui ferme les couvens et chasse les religieux, demeurerait en Orient le gardien de ces mêmes couvens, de ces mêmes religieux ? Entre la « France rouge, » la « Russie schématique, » et « l’Allemagne conservatrice, » l’hésitation, à les entendre, n’est pas permise pour le Saint-Siège : c’est du côté de l’empire germanique que sont ses intérêts et sa dignité. Tel était le langage que tenaient, dès l’époque où M. de Bismarck commença d’engager l’Allemagne dans la politique d’expansion, les journaux de Berlin et de Vienne. Avec plus de précautions peut-être aujourd’hui, mais avec plus d’insistance et des visées plus nettes, les amis de l’Allemagne font entendre à Rome les mêmes argumens.

Une immense intrigue dont le but est fixe, mais dont les ressorts varient à l’infini avec les pays et les circonstances, est impossible à suivre dans ses détails et dans sa complexité : on n’en aperçoit du dehors que les résultats et, pour ainsi dire, les sommets. C’est dans l’empire turc et dans l’empire chinois, en Orient et en Extrême-Orient, que le protectorat des catholiques confère à la France des droits et lui impose des devoirs : c’est sur ces deux théâtres qu’il nous faut suivre les efforts continus de la politique allemande. Le pèlerinage projeté de Guillaume II à Jérusalem, précédé du voyage du prince Henri de Prusse à Pékin, ne sont, en effet, que des étapes décisives dans une marche depuis longtemps entreprise ; on n’en saisirait ni le sens, ni l’importance, si l’on en ignorait le point de départ.


III

Par le droit historique, par la force des armes, par le texte des traités et la confiance des missionnaires, le protectorat des